Excuses historiques de Biden pour les atrocités dans des pensionnats pour Amérindiens
"Un péché qui entache notre âme": le président américain Joe Biden a présenté vendredi des excuses historiques aux peuples amérindiens, dont les enfants ont été arrachés à leur famille durant plus d'un siècle par l'Etat pour les placer dans des pensionnats où ils étaient maltraités, dans un but d'assimilation forcée.
L'objectif de ces pensionnats était d'effacer la culture, la langue et l'identité des Amérindiens. Beaucoup d'enfants y ont subi des violences physiques, psychologiques ou sexuelles, selon un récent rapport gouvernemental.
"Je m'excuse formellement, en tant que président des Etats-Unis, pour ce que nous avons fait", a déclaré Joe Biden depuis la réserve amérindienne de Gila River, en Arizona.
Il a fait observer un moment de silence pour honorer "les personnes perdues et les générations vivant avec ce traumatisme".
Ces pensionnats ont existé entre le début du XIXe siècle et les années 1970. Selon le rapport gouvernemental, au moins 973 enfants sont décédés dans ces structures.
"Les enfants arrivaient à l'école, étaient déshabillés, leurs cheveux qu'on leur disait sacrés étaient coupés. Leurs noms étaient littéralement effacés, remplacés par un numéro ou un nom anglais", a énuméré le président américain.
Certains étaient "contraints à des travaux forcés, certains adoptés sans le consentement de leurs parents biologiques, d'autres laissés pour morts et enterrés dans des tombes anonymes", a-t-il ajouté dans un discours empreint d'émotion, brièvement interrompu par un manifestant contre l'offensive militaire israélienne à Gaza.
Il s'agit "de l'un des chapitres les plus horribles de l'histoire américaine", a martelé Joe Biden. "La douleur causée sera toujours une grande marque de honte, une tâche dans l'histoire américaine."
- Rôle de l'Eglise -
La ministre de l'Intérieur Deb Haaland, première ministre amérindienne aux Etats-Unis, était également présente vendredi.
"Mes grands-parents maternels n'avaient que huit ans lorsqu'ils ont été arrachés à leur communauté", a-t-elle déclaré, visiblement émue.
"Pendant plus d'un siècle, des dizaines de milliers d'enfants autochtones, dès quatre ans, ont été arrachés à leur famille et à leur communauté pour être placés de force dans des internats gérés par le gouvernement américain et des institutions religieuses", a ajouté la ministre.
Mais "le gouvernement fédéral a échoué. Il n'a pas réussi à anéantir nos langues, nos traditions, nos modes de vie. Il n'a pas réussi à nous détruire", a-t-elle lancé devant une foule rassemblée sous le soleil.
C'est sous l'impulsion de Deb Haaland qu'une grande enquête sur ces pensionnats a été lancée en 2021, aboutissant à un rapport détaillé.
Elle a également mené une tournée, baptisée "Chemin de la guérison", dans 12 communautés amérindiennes, afin de donner l'occasion aux victimes de partager leur témoignage.
"Pendant des décennies, ce terrible chapitre a été occulté de nos livres d'histoire", a-t-elle dit vendredi. "Mais aujourd'hui, le travail de notre administration assurera que personne n'oublie jamais."
Les évêques catholiques américains ont formellement reconnu cette année le rôle de l'Eglise dans "les traumatismes" infligés aux Amérindiens, et présenté leurs excuses.
Au Canada voisin, la même pratique des pensionnats était menée, et le pays a également ouvert les yeux ces dernières années sur cette sombre page de son histoire.
La blessure avait été ravivée en 2021 avec la découverte de plus d'un millier de tombes anonymes sur les sites d'anciens pensionnats catholiques pour autochtones.
Lors d'une visite au Canada à l'été 2022, le pape François avait demandé "pardon pour le mal commis".
- Série de mesures -
L'administration de Joe Biden a mis en place toute une série de mesures afin de soutenir les nations amérindiennes et améliorer les relations avec l'Etat fédéral.
Plusieurs lieux ancestraux ont été désignés "monuments nationaux", des décrets ont été pris pour imposer la consultation "régulière" et "robuste" des gouvernements amérindiens par les agences fédérales, et plusieurs milliards de dollars ont été investis pour la construction d'infrastructures dans les réserves amérindiennes.
Le déplacement de Joe Biden intervient par ailleurs en pleine campagne présidentielle, menée par sa vice-présidente Kamala Harris face au républicain Donald Trump, dans une course extrêmement serrée.
En 2020, Joe Biden avait remporté de justesse l'Arizona, un Etat clé qui pourrait avec d'autres faire basculer le résultat du scrutin en novembre, et qui est l'un de ceux où la population amérindienne est la plus importante aux Etats-Unis.
V.Morales--ESF