Le rétablissement "progressif" de l'électricité se poursuit en Guadeloupe, 65% des foyers réalimentés
Le rétablissement de l'électricité se poursuivait de manière "progressive" samedi matin en Guadeloupe, avec "65%" des foyers réalimentés selon EDF, près de 24 heures après une coupure électrique généralisée à l'ensemble de l'archipel.
L'électricité a été rétablie chez "149.500 clients", soit 65% des personnes touchées, selon un nouveau bilan de l'énergéticien réalisé à 06H30 heure locale (10H30 GMT).
"Au total, 80.500 clients sont encore privés d'électricité", a ajouté EDF, précisant que la réalimentation électrique "sera progressive pour assurer la stabilité du réseau électrique".
La coupure généralisée ("black-out") affecte la Guadeloupe depuis 08H30 vendredi heure locale, "à la suite de l'arrêt illégal" des moteurs de la centrale EDF-PEI de Jarry, qui fournit la quasi-totalité de l'électricité sur le territoire de près de 380.000 habitants.
- "Sabotage" -
Le préfet comme le président du département ont dénoncé un "sabotage", alors qu'un conflit social oppose depuis plusieurs semaines la branche énergie de la CGT et la direction d'EDF Production électrique insulaire (PEI) dans le territoire.
Peu après le début de la coupure, le préfet Xavier Lefort avait accusé "des salariés grévistes" de la centrale de Jarry, qui "se sont introduits dans la salle des commandes" et "provoqué l'arrêt d'urgence de l’ensemble des moteurs".
Les gendarmes sont intervenus à l'intérieur pour "sécuriser la salle des commandes", avait expliqué le préfet, qui a aussi réquisitionné les salariés "nécessaires au fonctionnement" de la centrale.
Le représentant de l’État a également décrété vendredi en fin de journée la mise en place d'un "couvre-feu général" sur l'ensemble du territoire, une mesure levée à 06H00 samedi.
Selon les gendarmes, malgré ce couvre-feu, plusieurs faits de violences urbaines (barricades, poubelles brûlées) ont été constatés dans la nuit dans différentes communes de l'archipel, notamment à Baie-Mahault et au Lamentin, sans faire de blessé.
Sur l'archipel, l'annonce de la coupure généralisée avait provoqué dès vendredi matin une certaine inquiétude, concernant notamment la distribution de l'eau et le fonctionnement de l'hôpital et des services publics de première nécessité.
"Les réseaux de téléphonie mobile sont en mode très dégradé", a signalé vendredi la préfecture, évoquant également une interruption de la distribution d'eau dans plusieurs communes, touchant "30% de la population globale dont 80% de la Grande Terre".
Les établissements de santé fonctionnent eux sur leurs groupes électrogènes, a-t-elle ajouté.
- "Graves conséquences " -
Dès la constatation de la coupure, "les équipes de maintenance ont activé les groupes électrogènes sur l'ensemble des sites concernés", avait indiqué le Centre Hospitalier de la Guadeloupe (CHUG) dans un communiqué.
"Les unités critiques de l'hôpital disposent d'une autonomie de 72 heures", a poursuivi le CHUG.
Selon un médecin du CHU témoignant samedi matin sous couvert d'anonymat, "les deux scanners du CHUG sont en panne".
Dans un communiqué vendredi soir, le président du département Guy Losbar s'est dit "particulièrement indigné par les graves conséquences du black-out général". "Aucune revendication salariale, aussi légitime soit-elle, ne saurait justifier de tels agissements aux conséquences catastrophiques", a écrit M. Losbar, qui "en appelle à la responsabilité et au bon sens des parties en présence dans ce conflit".
La fédération PS de Guadeloupe a de son côté pointé du doigt le "dialogue social en lambeaux" dans cette crise et réclamé "d'urgence un retour à la raison".
Des grévistes de la centrale ont indiqué à une correspondante de l'AFP avoir procédé à la coupure des moteurs "après la convocation par la direction d'un de (leurs) chefs, peut-être en vue d'un licenciement".
Samedi matin, "sept moteurs sur les 12 de la centrale de Jarry" avaient pu "être redémarrés" après la réparation d'un "des moteurs de secours, spécifiquement dédié à la relance du système électrique", a détaillé EDF Archipel Guadeloupe.
Le mouvement social, qui dure depuis le 15 septembre, porte sur la mise en œuvre d'un accord signé début 2023, après deux mois de grève des mêmes agents, qui réclamaient une mise en conformité de leurs contrats et de leur rémunération avec le droit du travail, notamment cinq ans d'arriérés de salaires non versés.
Il avait depuis provoqué des coupures d'électricité affectant jusqu'à environ 100.000 foyers.
Lundi dernier, la direction d'EDF PEI avait proposé la signature d'un accord que la fédération de l'énergie de la CGT Guadeloupe a refusé, un dernier point d'achoppement portant sur le mode de calcul des congés payés.
La Guadeloupe est une zone non interconnectée, ce qui signifie qu'elle doit produire elle-même son électricité pour satisfaire la demande sur le territoire. Sa production électrique dépend à près de 70% de l'énergie thermique: du fioul pour EDF et des granulés de bois pour la société Albioma qui fonctionnait encore au charbon jusqu'en juillet.
A.Barbero--ESF