El Siglo Futuro - "C'est tout ce que j'avais": à Los Angeles, la panique des victimes d'incendie non assurées

Madrid -
"C'est tout ce que j'avais": à Los Angeles, la panique des victimes d'incendie non assurées
"C'est tout ce que j'avais": à Los Angeles, la panique des victimes d'incendie non assurées / Photo: © AFP

"C'est tout ce que j'avais": à Los Angeles, la panique des victimes d'incendie non assurées

Face aux ruines de sa maison rasée par les flammes, Sebastian Harrison ne se fait aucune illusion. "Cet endroit ne sera plus jamais comme avant", souffle cet habitant de Malibu, sans assurance-habitation.

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"Je savais que c'était risqué, mais je n'ai pas eu le choix", confie à l'AFP l'entrepreneur, frappé par la crise du marché de l'assurance en Californie.

Avant les feux meurtriers qui ravagent encore Los Angeles et ses environs, ce quinquagénaire possédait un "paradis" aux portes de la mégapole américaine: sa maison à flanc de montagnes, flanquée de plusieurs dépendances, surplombait l'Océan Pacifique.

Mais les assureurs privés, inquiets du risque incendie, n'ont jamais voulu le couvrir. Pendant plus de dix ans, M. Harrison a dû recourir au système d'assurance public, dont les primes augmentaient constamment.

Lorsque la facture a frôlé les 40.000 dollars annuels après la pandémie, contre 8.000 dollars en 2010, il a finalement renoncé à toute couverture.

"Ce n'est pas comme si je m'étais acheté une bagnole de luxe au lieu de souscrire à une assurance, c'est juste que me nourrir moi et ma famille était plus important", raconte-t-il.

Pour l'ex-acteur, les incendies virent au cauchemar.

"Je suis très inquiet, parce que cette propriété, c'est tout ce que j'avais", lâche-t-il, en espérant des aides fédérales.

Les Etats-Unis "ont renfloué les banques pendant la crise financière, puis ont subventionné les gens pendant le Covid, donc il faut espérer", soupire-t-il.

- Risques climatiques -

M. Harrison est loin d'être un cas isolé: en Californie, ravagée par de multiples incendies ces 15 dernières années, assurer sa maison est devenu un véritable parcours du combattant.

Car les politiques démocrates adoptées pour limiter les prix se sont retournées contre la population: empêchés de fixer leurs prix librement, les assureurs ont plié bagage face aux risques climatiques.

Dernier exemple en date, State Farm, l'un des géants du secteur, a annoncé en mars la résiliation d'environ 30.000 contrats d'assurance-habitation.

Au milieu de cet exode, les incendies ravageant Los Angeles en plein mois de janvier renforcent l'image d'une Californie inassurable face au réchauffement planétaire.

Leurs destructions vont se chiffrer en dizaines de milliards de dollars et de nombreux experts prédisent qu'ils seront les feux les plus chers de l'histoire américaine. Car dans le quartier huppé de Pacific Palisades, repaire de célébrités englouti par les flammes, le prix moyen d'une maison est de 3,5 millions d'euros.

De quoi inquiéter les autorités. Le commissaire aux assurances Ricardo Lara, qui venait d'instaurer d'importantes réformes fin 2024, doute ouvertement qu'elles suffisent à stabiliser le marché.

"Je ne sais plus désormais, parce que (...) ma plus grande peur était que nous subissions une catastrophe de cette nature", a-t-il reconnu samedi auprès du San Francisco Chronicle.

Même le système public d'assurance, conçu pour les propriétaires exclus par le privé, semble au bord de l'implosion.

- Exode des assureurs -

Baptisé FAIR, il avait été créé en 1968 comme une solution temporaire. Mais avec l'exode du secteur privé, le nombre d'habitations qu'il couvre a drastiquement augmenté ces dernières années.

Il n'a pourtant que 200 millions de dollars en réserves dans ses coffres, un montant largement inférieur aux pertes attendues à Pacific Palisades, où il assurait de nombreux particuliers.

Pour empêcher l'aggravation de la crise, la Californie vient de décréter un moratoire, interdisant pendant un an aux assureurs de résilier les contrats dans les zones touchées par les incendies.

Un répit loin de soulager Gabrielle Gottlieb, dont la maison à Pacific Palisades a survécu aux flammes.

"Mon assureur a résilié beaucoup de mes amis ces derniers mois et j'ai peur qu'il me laisse tomber aussi", explique cette artiste de 60 ans. "En gros, on nous dit déjà en creux: +bonne chance au-delà d'un an !+"

Des craintes auxquelles s'ajoutent l'explosion annoncée des primes d'assurance, à cause des récentes réformes adoptées.

Pour endiguer la fuite des assureurs, la Californie va leur accorder une plus grande liberté tarifaire. En échange de leur retour dans les zones à fort risque incendie, ils vont pouvoir fixer leurs prix en évaluant le risque de dommages futurs, forcément plus élevés que l'historique des pertes passées utilisé jusqu'à présent.

"L'immobilier et les impôts sont déjà très élevés en Californie", soupire Robert Spoeri, un propriétaire de Pacific Palisades lâché par son assureur privé en septembre. "Si l'assurance augmente encore, qui va pouvoir vivre dans cet Etat ?"

H.Alejo--ESF