Pour les enquêteurs, Lelandais a agi avec "sang froid" et "minutie"
"Une enquête longue et complexe": le procès de Nordahl Lelandais pour le meurtre de la petite Maëlys a abordé jeudi à Grenoble l'examen des faits avec l'audition des enquêteurs avant celle d'un expert de la police scientifique.
L'ancien maître-chien militaire de 38 ans, présent à la fête de mariage d'où avait disparu la fillette dans la nuit du 26 au 27 août 2017 avait "rapidement (été) identifié" comme suspect par les enquêteurs, a rappelé devant la cour d'assises le directeur d'enquête.
Il avait été "vu en train de discuter" avec elle et "ce n'(était) pas la première fois qu'ils échangeaient" durant la soirée, a souligné l'adjudant-chef de gendarmerie de haute taille, portant lunettes et uniforme.
Pour autant, les "mensonges" de l'accusé leur ont grandement compliqué la tâche, poursuit le gendarme de 48 ans.
Lelandais a fait preuve de "sang froid, de minutie, il a effacé ses traces dans son véhicule, ses traces téléphoniques", relève-t-il, avant de détailler longuement la chronologie des faits tels qu'établie par l'enquête et la "masse considérable d'informations" traitées au fil du temps.
Certains indices vont toutefois rapidement les conforter sur la piste Lelandais, note-t-il, évoquant une trace ADN de la fillette retrouvée dans sa voiture, ainsi qu'une image de vidéosurveillance montrant une silhouette "de petite corpulence avec des vêtements de couleur claire" à ses côtés dans le véhicule à l'heure de sa disparition.
Mis en garde à vue une première fois dès le 31 août 2017 et sa voiture saisie, Nordahl Lelandais va plusieurs fois changer de version au fil des progrès de l'enquête. Il n'avouera avoir tué la fillette, "involontairement" selon lui, que plusieurs mois plus tard, lorsqu'une tache de sang appartenant à l'enfant sera retrouvée dans le coffre de sa voiture.
Le gendarme est aussi revenu sur la découverte au cours de l'enquête de deux vidéos en gros plan de "doigts caressant le sexe d'une fillette".
Les deux fillettes ont été identifiées comme étant des petites-cousines. L'accusé est également jugé pour ces agressions sexuelles, ainsi que pour détention et enregistrement d’images pédopornographiques.
Dans la salle d'audience, l'accusé a écouté avec calme la déposition du gendarme.
A quelques mètres de lui, les parents de Maëlys sont assis au premier rang, leur fille aînée entre eux, se montrent également attentifs.
- Echanges épistolaires -
Le début de journée, la quatrième de ce procès très attendu, a donné lieu à une vive passe d'armes entre l'avocat de la défense, Me Alain Jakubowicz, et son confrère Me Fabien Rajon, qui défend Jennifer Cleyet-Marrel, la mère de l'enfant.
Me Jakubowicz a reproché à son adversaire d'avoir laissé entendre la veille que l'accusé avait eu en prison des échanges épistolaires avec "une jeune lycéenne" en suggérant qu'elle était mineure.
Résultat, des chaînes de télévision ont "matraqué" ces affirmations basées "sur des choses objectivement fausses", la jeune femme étant en réalité âgée de "20 ans", s'est-il indigné.
Me Rajon a répliqué en affirmant que "le problème n'est pas l'échange de lettres" mais la consultation par l'accusé de "vidéos équivoques dont l'intitulé met en scène des adolescentes".
Nordahl Lelandais avait admis mercredi avoir illégalement détenu un téléphone en prison et même ouvert un compte Facebook, mais avait affirmé "ne jamais (être) allé sur un site pédopornographique".
Lors des trois journées précédentes, la cour s'était concentrée sur l'examen de sa personnalité, et l'avait notamment entendu mercredi après-midi sur son parcours de vie pendant près de cinq heures.
Il s'y était présenté comme un homme "perdu" après l'échec de sa carrière militaire en 2005 et qui avait alors commencé "à se laisser aller", glissant dans des addictions aux drogues et au sexe et devenant, selon les mots d'un de ses meilleurs amis, un "anorexique du travail".
Tout au long de la journée de mardi, ses anciens amis et des ex-petites amies avaient fait part, souvent avec beaucoup d'émotion, de leur "incompréhension" et l'avaient poussé à se livrer sur les circonstances du décès de la fillette, qui restent entourées de grandes zones d'ombre.
Déjà condamné à Chambéry en mai 2021 à 20 ans de réclusion pour le meurtre du jeune caporal Arthur Noyer, Nordahl Lelandais n'avait pas fait appel. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Verdict attendu autour du 18 février.
C.Aguilar--ESF