Après les turbulences à l'Assemblée, le projet de loi sanitaire aux mains du Sénat
Le Sénat dominé par la droite s'apprête à voter mercredi en première lecture une version réécrite du projet de loi entérinant l'expiration au 1er août des régimes d'exception mis en place pour lutter contre l'épidémie de Covid, malmené par les oppositions à l'Assemblée nationale.
Au grand dam du gouvernement, le projet de loi "de veille et de sécurité sanitaire" avait été amputé par les députés de son article-clé sur le possible retour d'un pass sanitaire aux frontières, à la faveur d'une conjonction de votes du RN, de LR et d'une majorité de l'alliance de gauche Nupes.
Un premier revers législatif pour la majorité présidentielle, qualifié de "coup de chaud nocturne" par le président Emmanuel Macron, qui place le Sénat en position de force.
"Je crois dans la sagesse des sénateurs qui avec le gouvernement sauront rétablir un texte qui nous permettra d'aller au bout", a dit le chef de l'Etat le 14 juillet.
"Hors de question de rétablir l'article supprimé tel que le gouvernement l’avait rédigé", a prévenu le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, quand la Première ministre Elisabeth Borne en appelait à "l'esprit de responsabilité" des sénateurs.
Le sénateur LR Philippe Bas, rapporteur capé des textes sanitaires, a ressorti sa plume, pour tenter de trouver une position d'équilibre.
Les sénateurs ont donc rétabli un article 2 sur le contrôle sanitaire aux frontières, mais "beaucoup plus limité".
Le nouvel article propose deux dispositifs distincts, le rapporteur préférant parler de "certificat sanitaire de voyage" pour bien signifier la disparition du pass sanitaire, tel qu'il a été en vigueur dans les restaurants ou autres lieux publics.
Le premier concerne les voyageurs en provenance de pays étrangers. En cas d'apparition d’un nouveau variant du Covid particulièrement dangereux, le gouvernement pourrait imposer la présentation d'un test négatif à l'embarquement.
Un second dispositif similaire pourrait s'appliquer pour les voyages vers les collectivités ultramarines "en cas de risque de saturation" de leur système de santé. La Corse n'est plus mentionnée.
- Texte "assez friable" -
Les sénateurs ont aussi opéré en commission des ajouts importants.
Le rapporteur a ainsi tenu à prévoir explicitement dans le texte l'abrogation des restrictions aux libertés qui ont pu être mises en place pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, tels que confinement, couvre-feu ou pass sanitaire.
Surtout, la version du texte adoptée en commission ouvre la porte à une réintégration des soignants non vaccinés, à laquelle l'Académie nationale de médecine a encore exprimé mardi "sa ferme opposition".
Il prévoit que l’obligation vaccinale des soignants soit suspendue dès qu'elle ne sera plus justifiée au vu de l'évolution de l'épidémie ou des "connaissances médicales et scientifiques". Ces personnels seraient alors "immédiatement réintégrés".
Reste à voir comment le gouvernement va accueillir les propositions du Sénat. Une source haut placée dans l'exécutif, jugeant ces modifications cosmétiques, commente: "tant que cela qu'il n'y a pas de conséquences opérationnelles importantes, pourquoi pas... Il faut être pragmatique".
Selon une source dans la majorité, il n'est pas possible de "rester sur quelque chose de bancal" sans l’article sur la protection sanitaire aux frontières. "Il faut trouver une sortie élégante pour les politiques", mais "sans compromissions", ajoute-t-on.
A gauche, le socialiste Jean-Pierre Sueur juge le texte de la commission "encore assez friable". Son groupe "souhaite absolument qu'il y ait un texte", mais est "plus que réticent" à la réintégration des soignants. La nouvelle rédaction de l'article 2 ne le convainc pas non plus totalement.
Le texte permet en outre, en raison d'une situation épidémique toujours fragile, de continuer à collecter des données de santé sur les tests de dépistage (dispositif SI-DEP).
Une fois adopté en première lecture par le Sénat en séance, députés et sénateurs tenteront jeudi de s'accorder sur une version commune. En cas d'accord, il devra encore être voté une dernière fois par les deux chambres.
En cas d'échec, ou de vote négatif d'une des deux chambres - ce qui ne peut être exclu dans la configuration actuelle de l'Assemblée-, la navette se poursuivrait à moins que le gouvernement ne jette l'éponge.
S.Lopez--ESF