En Ukraine, des fermiers prient pour un accord avec Moscou sur les céréales
Dans son champ, Rakhmon Mirzoïev regarde sa moissonneuse-batteuse cracher un flux continu de céréales dans un camion, à quelques 60 kilomètres à peine du front dans le sud de l'Ukraine. Sans savoir s'il pourra les vendre à l'étranger.
Le beau temps de ces dernières semaines laisse présager que la récolte pour cette saison sera meilleure que prévu, mais Rakhmon s'inquiète du blocus russe des ports ukrainiens, qui a privé d'exportation des millions de tonnes de grain.
Un bonne nouvelle pourrait venir vendredi de Turquie, à des centaines de kilomètres de là, où l'Ukraine et la Russie doivent signer à Istanbul un accord sous les auspices de l'ONU pour débloquer les céréales ukrainiennes.
Et mettre fin à une crise provoqué par l'invasion russe de l'Ukraine et qui a secoué les marchés alimentaire mondiaux, les deux belligérants étant parmi les plus gros exportateurs mondiaux de céréales.
"Nous n'avons pas d'autre choix. Nous ne pouvons qu'espérer que ça va marcher", souffle Rakhmon, avant d'admettre qu'en réalité, "il ne croit pas" qu'un accord fonctionnera. "Et après? On devra jeter tout ce grain?"
Pour l'heure, Rakhmon, 60 ans, ne sait trop que faire de sa nouvelle récolte alors que les silos avoisinants sont déjà pleins à craquer et que les prix à l'échelle locale se sont effondrés.
"Il n'y a nulle part où la stocker et personne à qui la vendre", constate cet homme qui a construit sa petite ferme lorsqu'il a emménagé en Ukraine après être arrivé de son Tadjikistan natal il y a près de 30 ans.
- Risques d'incendies -
Le blocage des céréales ukrainiennes a déjà provoqué une hausse des prix des denrées alimentaires dans le monde, laissant planer le spectre d'une famine.
Jusqu'à 25 millions de tonnes de céréales sont coincées dans les ports ukrainiens à cause des navires russes, mais aussi des mines marines déposées par les Ukrainiens pour se prémunir d'un assaut amphibie.
Comme d'autre agriculteurs de la région, Rakhmon Mirzoïev a repoussé autant que possible la récolte du blé dans l'espoir que la situation se débloque. Mais le soleil brûlant des dernières semaines, la quasi absence de pluie et la proximité du front laissait planer un autre danger: celui des incendies.
"Un missile est tombé là-bas et les champs ont brûlé pendant des jours", raconte-t-il en montrant une colonne de fumée à l'horizon, près d'une autre ferme.
L'Ukraine et ses alliés européens ont tenté de favoriser les livraisons de céréales pour la route, par la voie ferrée et par barge via le Danube.
Un chauffeur de camion, Volodymyr Mouzetchouk, confie à l'AFP que ces circuits ne sont pas suffisants pour transporter toutes les denrées et que la hausse subite du prix du carburant rend cette solution extrêmement coûteuse.
"Guerre ou pas, nous devons quand même faire la récolte", lance-t-il. Comme son employeur, il ne croit pas que le Kremlin laissera l'Ukraine reprendre ses exportations.
"On ne peut pas faire confiance à ce que dit la Russie. La seule manière de traiter avec eux, c'est par la force", insiste-t-il.
F.González--ESF