La Russie de Poutine envahit l'Ukraine, qui décrète la mobilisation générale
L'Ukraine, où des combats meurtriers opposent forces russes et ukrainiennes jusqu'aux portes de Kiev, a décrété jeudi soir la mobilisation militaire générale pour tenter de freiner l'offensive massive déclenchée par Vladimir Poutine, à laquelle Etats-Unis et Union européenne ont répliqué par de nouvelles sanctions.
Un décret du président ukrainien Volodymyr Zelensky ordonne jeudi soir la mobilisation générale de ceux soumis "à la conscription militaire et des réservistes", sous 90 jours dans toutes les régions du pays.
Le président Zelensky a regretté vendredi que Kiev se retrouve "laissée seule" face à l'armée russe : "Qui est prêt à combattre avec nous ? Je ne vois personne. Qui est prêt à donner à l'Ukraine la garantie d'une adhésion à l'Otan ? Tout le monde a peur", a-t-il dénoncé, dans une adresse vidéo publiée sur le compte de la présidence ukrainienne.
Pour éviter une extension de ce conflit à d'"autres pays européens", contre laquelle a mis en garde le chancelier allemand Olaf Scholz, les forces militaires des Etats de l'Otan ont été placées en état d'alerte et certaines unités vont faire mouvement pour renforcer le flanc Est. Un sommet de l'Alliance atlantique se déroulera en visioconférence vendredi.
Le Pentagone dépêchera toutefois quelque 7.000 soldats de plus en Allemagne.
- Sanctions des Etats-Unis et de l'UE -
La première journée de l'offensive aérienne et terrestre en Ukraine, qualifiée de "succès" par le ministère russe de la Défense, a déjà fait des dizaines de morts et provoqué un tollé dans la communauté internationale, surtout côté occidental.
Joe Biden, pour qui le maître du Kremlin va devenir "un paria sur la scène internationale", a ainsi imposé des restrictions aux exportations de produits technologiques vers la Russie.
Le numéro deux de l'ambassade russe à Washington a été expulsé et 24 personnes et entités bélarusses punies pour leur implication dans l'invasion de l'Ukraine.
Les Etats-Unis et l’Albanie ont demandé un vote du Conseil de sécurité de l’ONU vendredi sur un projet de résolution condamnant fermement l’invasion de l’Ukraine par la Russie et réclamant à ce pays le retrait immédiat de ses troupes.
Les dirigeants des 27 pays de l'UE ont parallèlement pris des sanctions "massives" contre la Russie dans les secteurs de l'énergie, de la finance et des transports.
Ces sanctions ne vont pas aussi loin qu'attendu par certains observateurs, n'excluant notamment pas dans l'immédiat la Russie du réseau bancaire Swift, qui permet de recevoir ou d'émettre des paiements dans le monde entier.
Moscou a de son côté promis une réplique "sévère" à ces mesures.
- "Supériorité aérienne totale" -
L'attaque russe a commencé à l'aube, après la reconnaissance lundi par Vladimir Poutine de l'indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass.
"J'ai pris la décision d'une opération militaire spéciale" ayant pour but "une démilitarisation et une dénazification de l'Ukraine", a martelé le président russe à la télévision, mais "nous n'avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens".
Pour justifier cette intervention, il a notamment réitéré ses accusations, infondées, d'un "génocide" orchestré par Kiev dans les "républiques" rebelles prorusses, cité un appel à l'aide des séparatistes et dénoncé la politique "agressive" de l'Otan.
La Russie n'avait "aucun autre moyen" de se défendre, a-t-il affirmé dans la soirée.
Très tôt jeudi, juste après le discours de M. Poutine, des explosions ont retenti à Kiev, à Kramatorsk, ville de l'est qui sert de quartier général à l'armée ukrainienne, à Kharkiv (nord-est), deuxième ville d'Ukraine, à Odessa, sur la mer Noire, et à Marioupol, le principal port de l'est.
La centrale de Tchernobyl, théâtre du pire accident nucléaire de l'histoire en 1986, est tombée plus tard aux mains des soldats russes.
La Russie a une "supériorité aérienne totale", a souligné un responsable du renseignement occidental, selon lequel la Russie veut masser une "force écrasante" autour de Kiev, où un couvre-feu a été imposé.
- Lourd bilan humain -
Le président ukrainien a proclamé la loi martiale et ordonné la rupture des relations diplomatiques avec Moscou.
Dans la soirée, il a annoncé qu'au moins 137 Ukrainiens avaient perdu la vie et que 316 avaient été blessés depuis le début de l'invasion russe, sans autre détail.
Dans la région d'Odessa, le bilan officiel était de 18 habitants d'un village tués dans des frappes et en début de soirée, les autorités de la région de Kherson (sud) ont par ailleurs fait état de 13 civils et neuf militaires tués.
En outre, un avion militaire ukrainien s'est écrasé avec 14 personnes à son bord non loin de Kiev.
Côté russe, un appareil de transport militaire a subi un sort identique dans l'ouest de la Russie, près de la frontière avec l'Ukraine.
Les deux camps faisaient des déclarations invérifiables, mais l'armée russe gagnait du terrain.
Dans la région de Kherson, elle est présente dans plusieurs zones et contrôle notamment Genichesky, ville à 300 km à l'ouest de la frontière russe.
- 100.000 personnes ont fui -
Dès les premières heures de la journée, des habitants de Kiev pris de court se sont pressés dans le métro pour s'y abriter ou tenter de quitter la ville, cependant que des voitures remplies de familles fuyant la capitale créaient de vastes embouteillages.
Certains étaient néanmoins décidés à rester, comme Olena Chevchenko, employée d'une ONG. "Nous espérons un soutien international", a-t-elle déclaré à l'AFP.
"Je ne pensais pas que cela arriverait de mon vivant", a confié Olena Kourilo, 52 ans, éducatrice à Tchougouïv, près de Kharkiv, le visage barré de pansements en raison de blessures causées par une frappe qui a fait au moins un mort, a constaté l'AFP.
Sur les grandes routes de l'est de l'Ukraine, l'armée ukrainienne était partout.
Un responsable de la défense civile a souligné que les opérations d'évacuation de civils étaient entravées par des tirs d'artillerie nourris et des communications défaillantes.
Environ 100.000 personnes ont fui leur foyer en Ukraine et des milliers ont quitté leur pays, a déploré le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
L'UE s'est dite "pleinement préparée" à les accueillir.
- Près de 1.400 manifestants arrêtés, selon une ONG -
A Moscou, des Russes exprimaient leur préoccupation, d'autres leur soutien à Vladimir Poutine.
"Ca ne me réjouit pas, je suis complètement inquiet", lâchait Nikita, un manager de 34 ans, disant ne pas savoir "qui a raison ou qui a tort".
Des rassemblements contre la guerre ont eu lieu dans le centre de la capitale, sur la place Pouchkine et la grande rue Tverskaïa, ainsi qu'à Saint-Pétersbourg. Des dizaines de personnes ont été arrêtées, près de 1.400 sur l'ensemble du territoire russe, selon une ONG.
Les autorités avaient prévenu qu'elles réprimeraient toute manifestation non autorisée.
- Panique sur les marchés -
Vladimir Poutine a averti les Occidentaux "qui tenteraient d'interférer", que "la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n'avez encore jamais connues".
La Chine, qui entretient des relations étroites avec Moscou, a dit suivre "de près" la situation et appelé à "la retenue de toutes les parties".
L'offensive russe intervient huit ans après que Moscou a annexé la Crimée et parrainé la prise de contrôle de régions du Donbass par des séparatistes prorusses, déclenchant un conflit régional qui a fait plus de 14.000 morts.
Elle a semé la tempête sur les marchés mondiaux, avec chute des bourses européennes et flambée des cours des matières premières.
Le pétrole a notamment franchi les 100 dollars le baril, une première depuis 2014, mais Wall Street a terminé en hausse après avoir fait l'élastique.
La Bourse de Moscou a plongé de plus de 35% et le rouble a touché un plus bas historique face au dollar, avant l'intervention de la banque centrale de Russie.
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a prévenu que le conflit faisait peser "un important risque économique pour la région et le monde", au moment où l'économie mondiale tente de se relever de la pandémie de Covid-19.
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G.Alamilla--ESF