La Russie annonce "élargir l'offensive" en Ukraine
La Russie a annoncé samedi élargir son offensive contre l'Ukraine malgré un tollé international grandissant et des sanctions qui se durcissent encore, après une nuit d'affrontements et de bombardements visant notamment Kiev.
L'Allemagne, qui y rechignait jusqu'à présent, s'est ainsi dite prête samedi à une "limitation ciblée" de l'accès de la Russie au système d'échanges interbancaires Swift, ce qui pourrait ouvrir la voie à cette sanction considérée comme une des plus radicales dans le domaine économique.
Mais le Kremlin a déjà déclaré se moquer des sanctions. "Toutes les unités ont reçu l'ordre d'élargir l'offensive dans toutes les directions, en conformité avec le plan de l'offensive", a ainsi déclaré samedi le ministère russe de la Défense dans un communiqué.
La Russie s'était en fait dite prête à des négociations à condition que les Ukrainiens déposent les armes, ce que le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans plusieurs videos postées depuis le centre de Kiev, a exclu.
M. Zelensky a reçu un appel de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays, à la fois membre de l'Otan et partenaire de Moscou en Syrie, a demandé à la Russie de mettre fin à son offensive.
Mais au troisième jour de l'intervention lancée par le président russe Vladimir Poutine, des combats avaient lieu samedi, outre la capitale, dans nombre de villes ukrainiennes.
- "Une guerre vaine" -
Au moins 198 civils, dont trois enfants, ont été tués et 1.115 personnes blessées depuis jeudi, selon le ministre ukrainien de la Santé, Viktor Liachko.
"Notre armée contrôle Kiev et les villes clés autour de la capitale", a assuré Volodymyr Zelensky sur Facebook, affirmant avoir "cassé le plan" de Moscou. Il a appelé la population à prendre les armes et juré de rester à Kiev.
A Moscou, le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov, a encore accusé des navires ukrainiens d'avoir tenté d'attaquer la flotte russe avec le guidage "hautement probable" de drones d'observation américains, et a réaffirmé que l'armée russe ne menait pas de frappes sur des zones résidentielles. Des reporters de l'AFP ont cependant vu plusieurs habitations touchées par des tirs à travers le pays.
De son côté, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s'est directement adressé samedi sur Twitter "au peuple russe", en russe.
"Vous ne méritez pas une guerre vaine avec vos voisins, vos amis et familles en Ukraine", a-t-il notamment écrit.
Washington a annoncé samedi l'envoi d'une nouvelle aide militaire à l'Ukraine, d'un montant de 350 millions de dollars, alors qu'un haut responsable du Pentagone a disait à l'AFP voir "des signes d'une résistance ukrainienne viable".
Le gouvernement allemand a décidé de son côté d'autoriser la livraison à l'Ukraine de 400 lance-roquettes antichar, rompant avec son refus de toute exportation d'armes létales en zone de conflit, a indiqué à l'AFP samedi une source gouvernementale.
Les Pays-Bas ont annoncé livrer 200 missiles antiaériens Stinger, la République tchèque a dit envoyer des armes pour une valeur de 7,6 millions d'euros, et la Belgique a indiqué fournir à Kiev 2.000 mitrailleuses et 3.800 tonnes de fuel.
"Armes et équipements" sont en route de la part des alliés de l'Ukraine, a déclaré samedi M. Zelensky, après un appel avec son homologue français Emmanuel Macron.
- Affrontements à Kiev -
"La guerre est revenue en Europe" et elle "durera", a averti M. Macron samedi matin à Paris.
Dans Kiev, ville-fantôme désertée par ses habitants, des combats opposent les forces russes et ukrainiennes ont lieu sur l'avenue de la Victoire, une des artères principales de la capitale.
Le couvre-feu a été étendu jusqu'à lundi 8h00 et toute personne dans la rue sera traitée en ennemi, a annoncé le maire, l'ancien boxeur Vitali Klitschko.
Des soldats ukrainiens en patrouille ont assuré à l'AFP que les forces russes étaient en position de tir à quelques kilomètres de là. Sous un ciel bleu, la carcasse d'un camion militaire pulvérisé par un missile fumait encore au milieu des débris, tandis que des détonations étaient entendues au loin.
Le métro de Kiev est à l'arrêt et sert désormais d'abri antiaérien à la population.
Un imeuble résidentiel d'une trentaine d'étages a été frappé de plein fouet samedi matin par un missile qui a fait des dégâts importants, sans que les autorités ne fassent état de victimes dans l'immédiat.
La nuit de vendredi à samedi a été "difficile", selon le maire. Des "unités de sabotage" de Moscou se trouvent dans la ville, mais pas encore des formations régulières de l'armée russe, a-t-il dit.
L'armée ukrainienne a dit avoir détruit une colonne de cinq véhicules militaires, dont un char, sur l'avenue de la Victoire. Dans la nuit, les autorités ont fait état d'une attaque russe contre une centrale électrique du quartier de Troieshchyna, au nord-est de Kiev.
- Exode vers l'Ouest -
Jusqu'à présent, le ministère russe de la Défense n'a pas évoqué d'offensive sur Kiev, faisant état uniquement de tirs de missiles de croisière sur des infrastructures militaires, d'avancées dans l'Est - où l'armée appuie les séparatistes des territoires de Donetsk et Lougansk - et dans le Sud ukrainien, où les forces russes sont entrées jeudi depuis la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014.
Des unités russes ont été identifiés à Borodianki (à 70 km au nord-ouest de Kiev) à Butcha, dans la banlieue nord-ouest de la capitale, et à Vychgorod, dans sa banlieue nord, a indiqué sur Facebook l'armée ukrainienne.
Les forces russes "continuent leur attaque pour bloquer Kiev depuis le nord-est (du pays), mais elles ont été arrêtées par les forces armées ukrainiennes", a-t-elle encore affirmé.
A travers le pays, des dizaines de militaires ukrainiens ont perdu la vie dans les combats, selon l'armée ukrainienne qui affirme aussi infliger de lourdes pertes à l'armée russe. Moscou ne donne aucune information quant à son bilan.
Sur la route entre Kramatorsk et Dnipro, deux villes de l'est de l'Ukraine, des journalistes de l'AFP ont constaté la présence de très nombreux convois militaires ukrainiens. Des check-points ont été instaurés aux entrées et sorties de chaque grande ville de cette zone.
La Pologne affirme que 115.000 Ukrainiens ont franchi la frontière depuis jeudi. Neuf centres d'accueil ont été mis en place.
- Censure en Russie -
"Nous avons quitté notre maison très, très vite parce que nous avions peur d'un assaut massif", a raconté à l'AFP Dania, parmi les réfugiés.
Le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR) avait auparavant estimé à plus de 116.000 le nombre de réfugié à avoir fui vers les pays voisins, comme la Hongrie, la Moldavie, la Slovaquie et la Roumanie.
Vladimir Poutine paraît résolu à poursuivre son offensive, jusqu'à déloger du pouvoir à Kiev ceux qu'il qualifie de "drogués" et "néonazis". Il a aussi appelé l'armée ukrainienne à prendre le pouvoir.
Selon Moscou, il s'agit d'une "opération militaire spéciale" pour le "maintien de la paix" afin de "démilitariser" et "dénazifier" un pays accusé d'un prétendu génocide des populations russophones de l'Est.
Le régulateur russe des médias a ainsi ordonné samedi aux médias nationaux de supprimer de leurs contenus toute référence à des civils tués par l'armée russe en Ukraine ainsi que les termes "d'invasion", "d'offensive" ou de "déclaration de guerre".
L'Otan, dont les dirigeants se sont retrouvés vendredi en visioconférence, a répété ne pas envoyer de troupes en Ukraine, tout en autorisant le déploiement de troupes supplémentaires en Europe, notamment dans les pays de l'Est.
- Sanctions occidentales -
Le camp occidental se concentre sur le durcissement des sanctions contre la Russie après avoir restreint son accès aux marchés financiers et aux technologies.
Le président ukrainien avait exhorté samedi, avant l'annonce allemande, Berlin et Budapest à approuver l'exclusion de la Russie du système interbancaire SWIFT, une sanction considérée comme l'"arme nucléaire économique" et examinée par l'Union européenne (UE).
Il avait reçu le soutien du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, qui avait dénoncé à Berlin "l'égoïsme en béton" de certains pays occidentaux.
Les Occidentaux avaient déjà franchi un palier vendredi en imposant des sanctions personnelles à Vladimir Poutine et à son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov.
Les autorités françaises ont de leur côté indiqué avoir intercepté dans la Manche un navire de commerce russe de 127 mètres qui avait quitté le port de Rouen (nord-ouest) en direction de Saint-Pétersbourg, et est soupçonné d'appartenir à une entreprise visée par les sanctions prises par l'UE.
Moscou a de son côté annoncé la fermeture de son espace aérien aux avions venant de Bulgarie, Pologne ou de République tchèque en représailles d'une mesure similaire prise par ces pays.
burx/lpt/thm
M.Aguado--ESF