Serdar Berdymoukhamedov, l'héritier austère et prédestiné du Turkménistan
Regard et costumes sombres, l'image de Serdar Berdymoukhamedov tranche clairement avec le style flamboyant de son père, auquel il succède à la tête du Turkménistan, l'un des pays les plus autoritaires de la planète.
Berdymoukhamedov fils, 40 ans, les traits fermés, la cravate stricte, les cheveux noir de jais, apparaît très rarement souriant en public.
Tout le contraire de son père, Gourbangouly Berdymoukhamedov, 64 ans, qui lui a toujours adoré les sorties hautes au couleur, au volant de bolides, à cheval, jouant du synthétiseur ou faisant du sport en jogging vert.
Mais si les styles diffèrent, la lignée reste la même et symbolise un népotisme décomplexé. Depuis 2016, Serdar Berdymoukhamedov a été progressivement catapulté à tous les postes importants de cette ex-république soviétique d'Asie centrale.
Il est notamment "maître" honoraire des races de chevaux et de chiens turkmènes, si chères à son père et qui occupent une place centrale dans la mythologie et la propagande du régime.
La vision politique et les ambitions de Serdar Berdymoukhamedov restent toutefois relativement floues pour l'instant.
"Je continuerai de soutenir le secteur privé de notre économie nationale", qui dépend presque totalement de la vente de gaz naturel, a-t-il déclaré le jour de l'élection, dans un bon anglais.
Auparavant, il avait qualifié sa candidature de "grande responsabilité", y compris pour les générations plus jeunes, tout en promettant de marcher dans les pas de son paternel.
- Ascension éclair -
Né en 1981 à Achkhabad, capitale de ce pays désertique, Serdar Berdymoukhamedov semblait initialement se destiner à une carrière dans l'agriculture. Selon sa biographie officielle, il a dirigé dans sa jeunesse un organisme public en charge de la production de bière et de vin sans alcool.
Puis son père, dentiste et ministre de la Santé, est propulsé au pouvoir en 2006 à la mort subite du premier président du Turkménistan, le non moins autoritaire Saparmourat Niazov.
Le jeune Serdar s'oriente alors vers une carrière dans les hautes sphères du pouvoir. De 2008 à 2011, il étudie les relations internationales à Moscou, travaillant en parallèle à l'ambassade turkmène en Russie, une position clé.
Il fera ensuite un crochet par la mission permanente du Turkménistan auprès de l'ONU à Genève (Suisse), toujours selon sa biographie officielle, et travaillera au ministère des Affaires étrangères et dans l'administration présidentielle turkmènes.
Son intronisation officielle en politique remonte à fin 2016, quand il est élu député. Son exposition dans les médias d'Etat va dès lors crescendo.
Son père, au même moment, commence à apparaître à la télévision aux côtés de l'un de ses petit-fils - le fils de Serdar - s'adonnant à la musique ou à la fabrication de bonhommes de neige, des activités de bon retraité alimentant encore les rumeurs d'une succession dans les cartons.
En 2018, Berdymoukhamedov junior est réélu député avec un score stalinien de 91% qui rappelle ceux de son père lors des élections présidentielles, dans un pays où il n'existe aucune véritable opposition politique.
Débute alors pour Serdar un enchaînement de postes haut placés: vice-ministre des Affaires étrangères, gouverneur de la région clé de l'Akhal, ministre de l'Industrie, puis, en 2021, vice-Premier ministre, membre du puissant Conseil de sécurité et auditeur financier en chef du pays.
L'année dernière, il avait franchi un cap en accomplissant une visite officielle en Russie, l'ancien maître du Turkménistan, et en menant des négociations en tête-à-tête avec le chef de la diplomatie de Pékin, le principal partenaire commercial.
Ces fonctions centrales s'accompagnent également de titres hautement honorifiques.
L'année dernière, il a pris la présidence de l'association nationale des chevaux Akhal-Teké, des pur-sang qui font la fierté des Turkmènes. Toujours en 2021, il avait reçu le titre d'"honorable éleveur" de chiens alabaï, autre animal fétiche du Turkménistan.
L.Balcazar--ESF