Madrid débloque un milliard d'euros pour tenter de stopper la grève des routiers
Confronté à une grève inédite des routiers, le gouvernement espagnol a dévoilé vendredi un plan d'un milliard d'euros pour réduire le prix des carburants, sans parvenir pour le moment à mettre un terme aux blocages, qui paralysent de nombreux secteurs économiques.
"Nous sommes parvenus cette nuit à un grand accord avec les représentants du secteur, qui se traduira par l'injection de plus d'un milliard d'euros" d'aides publiques pour les transporteurs, a annoncé sur Twitter le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez.
Mais ce texte, décrit comme "historique", a été négocié uniquement avec le Comité national du transport routier (CNTC), organisation patronale du secteur, hostile aux blocages.
Les grévistes, réunis au sein de la Plateforme de défense du secteur du transport de marchandises qui regroupe des chauffeurs indépendants et des PME, n'ont eux pas participé aux discussions.
Le plan du gouvernement prévoit une subvention de 20 centimes d'euros par litre de carburant, qui entrera en vigueur le 1er avril et sera maintenue jusqu'au 30 juin. Elle sera financée "à hauteur de 15 centimes" par l'Etat "et de cinq centimes par les compagnies pétrolières", a précisé le ministère des Transports.
Ce mécanisme devrait permettre une économie de "700 euros par mois et par camion" pour les transporteurs, a assuré le ministère, fortement critiqué pour sa gestion de ce mouvement social. Elle représente un effort global de "600 millions d'euros" pour les finances publiques, a-t-il insisté.
Le paquet de mesures prévoit aussi 450 millions d'aides directes, qui prendront la forme d'une prime de 1.250 euros par camion, 950 euros par autobus et 300 euros par "véhicule léger" (taxis, ambulances, VTC). Les routiers bénéficieront enfin de facilités pour le remboursement de leurs crédits.
"Nous sommes satisfaits et nous espérons que la grève", lancée le 14 mars par un groupe de chauffeurs et de propriétaires de petits camions, "va prendre fin", a réagi le président du CNTC, Carmelo González. "Il serait incompréhensible que les blocages continuent", a-t-il insisté.
Un appel pour le moment rejeté par les grévistes, qui ont jugé le plan d'aide insuffisant.
- Des "miettes" -
Si l'exécutif avait jusqu'à présent refusé de négocier avec le collectif des grévistes, jugé minoritaire au sein de la profession et accusé d'être proche de l'extrême droite, la ministre des Transports Raquel Sanchez s'est finalement résolue vendredi à recevoir ses représentants.
Ce sera l'occasion "d'expliquer les mesures mises sur la table", "qui reprennent les revendications de l'ensemble du secteur", a assuré la ministre avant cette rencontre, qui a débuté à 17H00.
"Je sais qu'il y a des pressions, mais nous ne pouvons pas nous laisser embobiner", a déclaré de son côté le président de la Plateforme, Manuel Hernandez, en disant vouloir obtenir lors de la réunion des "garanties" sur le fait que les mesures seront suffisantes pour compenser l'envolée des prix.
M. Hernandez, qui a dit "espérer" une levée de la grève, avait qualifié de "miettes" les aides de l'exécutif. "Il faudrait baisser de plus de 60 centimes le prix du gazole" pour que les aides permettent de couvrir "les coûts d'exploitation", avait-il insisté.
Signe que la tension n'est pas retombée parmi les transporteurs, plusieurs milliers de routiers en chasubles jaune fluo ont manifesté vendredi matin devant le ministère des Transports à Madrid, à l'appel de la Plateforme.
"Le gouvernement dit que nous sommes une minorité mais ce qu'on voit ici prouve que c'est faux", a assuré à l'AFP Javier Prada, venu d'Andalousie (sud), en désignant la foule.
"On nous accuse d'être d'extrême droite mais ce sont des mensonges", a abondé José Luis, venu de Tolède (centre). "Il faut que la ministre prenne en compte" nos besoins et "accepte de nous recevoir", a ajouté ce manifestant.
La grève a vidé les rayons de certains supermarchés et obligé ces derniers jours de nombreuses entreprises à suspendre leur production, à l'image de Danone, Heineken, Mercedes ou ArcelorMittal, faute de camions pour exporter leur marchandise.
"Chaque jour, le coût (de la grève) augmente", a mis en garde l'Association des distributeurs et des supermarchés (Asedas), en exhortant les grévistes "à mettre fin à la paralysie du pays".
D.Cano--ESF