A Malte, des législatives sur fond de guerre et de corruption
Les Maltais ont commencé à voter samedi matin pour des législatives qui devraient aboutir à la reconduction du gouvernement sortant, fort de sa bonne gestion de la pandémie de Covid-19 et malgré le spectre de la corruption qui reste vivace.
Dans un pays encore sous le choc de l'assassinat d'une journaliste d'investigation, le Premier ministre travailliste Robert Abela est le grand favori de ce scrutin, pour lequel il a fait campagne sur sa gestion de la crise sanitaire et le bilan économique de son parti après neuf ans au pouvoir.
Mais le petit archipel méditerranéen, où le taux de participation dépasse généralement les 90%, a vu cette campagne assombrie par les inquiétudes liées à la guerre en Ukraine. Et l'image du parti travailliste reste associée aux accusations de corruption révélées par la journaliste Daphne Caruana Galizia, dont l'assassinat en octobre 2017 avait choqué le pays et le monde.
Critiqué pour ses tentatives d'influencer l'enquête, Joseph Muscat a quitté son poste de Premier ministre (travailliste) début 2020. Son successeur a pris des mesures pour renforcer l'Etat de droit et la liberté de la presse, encore insuffisantes pour les militants anti-corruption et la famille de Caruana Galizia.
Lors d'un dernier meeting jeudi, M. Abela a exhorté ses partisans à lui "faire confiance" afin qu'il "puisse continuer à changer les choses".
Le leader du parti nationaliste, Bernard Grech, a lui mis en garde lors d'un rassemblement dans la capitale La Valette: "Notre démocratie est en jeu".
- "Pas fière" -
Située au large de la Sicile, Malte est le pays le plus petit et le plus densément peuplé de l'Union européenne, avec environ 516.000 habitants pour 316 km².
L'ancienne colonie britannique, où le catholicisme est religion d'Etat, a bâti une économie florissante reposant essentiellement sur le tourisme, les sociétés offshore et les jeux en ligne, mais fait face aux accusations la présentant comme un paradis fiscal.
Malte a été placée l'an dernier par le Groupe d'action financière (GAFI) sur une "liste grise" de pays sous surveillance accrue en raison de leur exposition au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, et est critiquée pour son système de "passeports dorés" accordant la citoyenneté à de riches investisseurs qui, souvent, ne s'y rendent jamais.
Sous la pression politique, M. Abela a suspendu ce programme pour les Russes et les Biélorusses après l'invasion de l'Ukraine mais le Parlement européen a demandé ce mois-ci la suppression de tous les programmes de ce type dans l'UE.
Pour de nombreux électeurs, la croissance économique reste la principale préoccupation. Après une chute libre de l'économie provoquée par la crise sanitaire, la croissance a dépassé les 9% l'année dernière, revigorée par l'appui du gouvernement aux particuliers et aux entreprises.
"Depuis que les travaillistes sont en place, ils ont toujours travaillé pour le peuple", estime Josephine Canilleri, 71 ans, tout en buvant un café avec ses amis dans la ville de Mosta. "Il y a toujours eu de la corruption et il y en aura toujours".
Mais d'autres, comme Joanne O'Donnell, 37 ans, revenue du Danemark pour voter, estiment que "le parti travailliste doit quitter le gouvernement". "Aux yeux des gens (à l'étranger), Malte est passée d'un paradis à cet endroit où Daphne a été assassinée", déplore-t-elle lors du rassemblement du parti nationaliste à La Valette. "Je ne suis pas fière de ça".
- "On ne respire pas" -
Autre enjeu majeur sur l'archipel: l'environnement. Les habitants se plaignant régulièrement du manque d'espaces verts suite à l'explosion des constructions ces dernières années.
Les gratte-ciel modernes se multiplient entre les vieux bâtiments en pierre, et les routes sont souvent encombrées par la circulation.
"Il y a des camions partout, on ne respire pas. Il y a de la poussière, du béton - pas d'arbres, pas de vert, zéro", se plaint Vincent Borg, 68 ans, en prenant son petit-déjeuner à Mosta.
Le parti travailliste et le parti nationaliste ont tous deux promis davantage d'efforts pour protéger les espaces verts. Quant au parti écologiste, l'ADPD, il n'est pas parvenu à s'imposer dans le système bipartite qui régit Malte depuis des décennies.
Les bureaux de vote ferment à 22H00 (21H00 GMT). Les premiers résultats sont attendus dimanche midi, mais les chiffres définitifs ne seront connus que lundi.
F.González--ESF