Négociations russo-ukrainiennes: Zelensky voit des signaux "positifs"
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky voit des signaux "positifs" en provenance des négociations russo-ukrainiennes de mardi en Turquie, mais l'Ukraine n'a pas pour autant "l'intention de relâcher" ses efforts militaires, tandis que Moscou a évoqué des discussions "substantielles".
"Nous pouvons dire que les signaux que nous entendons dans les négociations sont positifs, mais ils ne font pas oublier les explosions ou les obus russes", a dit M. Zelensky dans un message-vidéo.
Après trois heures de discussions à Istanbul, le chef de la délégation russe et représentant du Kremlin, Vladimir Medinski, a lui fait état de "discussions substantielles" et dit que les propositions "claires" de Kiev en vue d'un accord seraient "étudiées très prochainement et soumises au président" Vladimir Poutine. Des annonces toutefois accueillies avec circonspection par les dirigeants occidentaux qui eux aussi assurent vouloir juger Moscou sur ses actes.
M. Medinski a estimé qu'un sommet entre MM. Poutine et Zelensky serait possible en cas d'accord pour mettre fin aux hostilités. Depuis le début de l'invasion russe le 24 février, Moscou avait toujours écarté cette demande de Kiev.
Autre déclaration porteuse d'espoir après près de cinq semaines de conflit: le vice-ministre de la Défense russe Alexandre Fomine a annoncé que Moscou allait "réduire radicalement (son) activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv", dans le nord du pays.
De son côté, le négociateur en chef ukrainien David Arakhamia a aussi estimé que les conditions étaient désormais "suffisantes" pour une rencontre au sommet entre MM. Poutine et Zelensky.
- "S'ils tiennent parole" -
Mais le président américain Joe Biden a rapidement déclaré que les Occidentaux attendaient de voir si la Russie "tenait parole" sur la réduction de son activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv.
"On verra s'ils tiennent parole", a dit le président américain à des journalistes, peu après s'être entretenu avec les dirigeants français, britannique, allemand et italien. "Il semble y avoir un consensus sur le fait qu'il faut voir ce qu'ils ont à offrir".
Auparavant, ces dirigeants occidentaux avaient mis en garde contre tout "relâchement de la détermination occidentale" face à l'invasion russe et exprimé "leur détermination à continuer d'accroître le coût payé par la Russie pour son attaque brutale de l'Ukraine.
Le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby, a estimé que les forces russes autour de Kiev avaient entamé un "repositionnement" mais "pas un vrai retrait".
"Nous pouvons confirmer que nous avons vu un petit nombre" de troupes "commencer à se repositionner", a-t-il dit. Mais "nous devons être prêts à voir une offensive majeure contre d'autres zones d'Ukraine" et "cela ne signifie pas que la menace contre Kiev soit terminée".
A Londres, un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson a déclaré que Londres jugerait "Poutine et son régime sur ses actes, pas ses paroles".
Le Royaume-Uni organisera jeudi une conférence de donateurs pour mobiliser davantage d'armes létales pour l'Ukraine.
Peu après la fin des pourparlers, les Pays-Bas, l'Irlande, la Belgique et la République tchèque ont annoncé successivement expulser des diplomates russes soupçonnés d'espionnage.
A Istanbul, le négociateur ukrainien a expliqué que Kiev réclamait un "accord international" signé par plusieurs pays garants qui "agiront de façon analogue à l'article 5 de l’Otan et même de façon plus ferme". L'article 5 du traité de l'Alliance atlantique stipule qu'une attaque contre l'un de ses membres est une attaque contre tous.
M. Arakhamia a cité, parmi les pays que l'Ukraine voudrait avoir comme garants, les Etats-Unis, la Chine, la France et le Royaume-Uni - membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU - mais aussi la Turquie, l'Allemagne, la Pologne et Israël.
Kiev demande également que cet accord n'interdise en rien l'entrée de l'Ukraine dans l'UE, et propose que la Crimée et les territoires du Donbass sous contrôle des séparatistes prorusses en soient "temporairement exclus".
Pour résoudre la question spécifique de la Crimée, annexée par la Russie en 2014, Kiev propose "quinze ans" de pourparlers russo-ukrainiens séparés, selon un autre négociateur ukrainien, Mykhaïlo Podoliak.
- Reprise de terrain -
Aucun bilan fiable des victimes du conflit n'a pour l'heure été fourni. Le président Zelensky a fait état dimanche de 20.000 morts depuis le début de l'invasion russe, sans préciser s'il s'agissait d'Ukrainiens seulement ou aussi de Russes, de civils seulement ou aussi de militaires.
Quant aux combats sur le terrain, le ministre russe de la Défense a estimé que la Russie avait atteint son "objectif": "le potentiel militaire des forces armées ukrainiennes a été réduit de manière significative, ce qui permet de concentrer l’attention et les efforts sur le but principal, la libération du Donbass", a déclaré Sergueï Choïgou.
Dans la région de Kiev, les troupes russes ont effectué plus de 40 tirs de missiles et de roquettes en 24 heures sur des zones d'habitation, détruisant plus de 550 cibles, a annoncé l'administration militaire régionale sur Telegram.
Lundi, les autorités ukrainiennes avaient annoncé avoir "libéré" Irpin, théâtre de féroces combats à vingt kilomètres au nord-ouest de Kiev.
La situation semblait relativement calme mardi dans cette localité, où l'on entendait toutefois des tirs sporadiques, selon des journalistes de l'AFP.
Des soldats bloquaient néanmoins l'accès des journalistes au pont détruit permettant d'entrer dans la ville, expliquant que les forces ukrainiennes étaient toujours en train de "nettoyer" la zone.
- Nouvelles frappes russes -
Dans l'ouest du pays, les forces russes ont aussi bombardé mardi l'aérodrome militaire de Starokostiantyniv, détruisant tous les stocks de carburant de cette ville, a annoncé son maire Mykola Melnytchouk.
Dans le sud, une frappe russe a touché mardi matin le bâtiment de l'administration régionale de Mykolaïv, ville proche d'Odessa qui connaissait un répit dans les bombardements ces derniers jours.
Au moins douze personnes sont mortes et 33 autres blessées, selon un nouveau bilan donné par le président Zelensky lors d'une intervention en visioconférence devant le Parlement danois.
Des journalistes de l'AFP ont vu les secours sortir deux corps des gravats, et le bâtiment éventré sur toute sa hauteur.
Dans le sud, trois couloirs humanitaires ont été mis en place mardi, notamment depuis la ville assiégée de Marioupol, après une suspension lundi des évacuations de civils, a indiqué la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk sur Telegram.
- Crime contre l'humanité -
M. Zelensky a accusé mardi les Russes de "crime contre l'humanité" à Marioupol, cité portuaire stratégique sur la mer d'Azov dont l'armée russe tente de s'emparer depuis fin février, où environ 160.000 personnes seraient toujours coincées.
"Ils font même sauter des abris alors qu'ils savent pertinemment que des civils s'y cachent, des femmes, des enfants et des vieillards", a-t-il ajouté.
Selon Tetyana Lomakina, conseillère de la présidence ukrainienne, "environ 5.000 personnes" y ont été enterrées, mais il pourrait y avoir en réalité "autour de 10.000 morts".
A la suite d'un échange téléphonique avec le président français Emmanuel Macron, le président Poutine a posé comme condition à une évacuation des civils de Marioupol la reddition des forces ukrainiennes qui défendent la ville.
"Pour trouver une solution à la situation humanitaire difficile dans cette ville, les combattants nationalistes ukrainiens doivent arrêter de résister et déposer les armes", a dit M. Poutine.
La présidence française a pour sa part estimé que les conditions pour lancer dans les prochains jours une opération humanitaire au secours des habitants de Marioupol ne "sont pas réunies à ce stade".
Autre sujet de préoccupation: la situation des centrales nucléaires de l'Ukraine. L'Agence internationale de l'énergie atomique a annoncé que son directeur général se trouvait en Ukraine "pour des discussions avec des responsables du gouvernement" afin de fournir "une assistance technique" garantissant la sécurité de ces installations.
burx-edy/cat/mm/oaa
M.Vargas--ESF