Flambée du brut : Washington puise dans ses réserves et Biden s'en prend aux industriels
Le président américain Joe Biden, confronté à une inflation record minant sa popularité, a promis jeudi de "soulager les ménages" qui payent toujours plus à la pompe, en puisant massivement dans les réserves du pays.
Le démocrate s'en est aussi pris vivement aux compagnies pétrolières qu'il a accusées dans un discours de "s'enrichir" aux dépens des automobilistes et d'accumuler les bénéfices au lieu d'investir dans la production.
Joe Biden a ordonné de puiser un million de barils par jour dans les réserves stratégiques de pétrole américaines pendant six mois, une initiative sans précédent.
La perspective de ce déversement record d'or noir américain faisait déjà baisser les cours jeudi à Londres comme à New York.
Le président a estimé qu'à la suite de sa décision, le prix de l'essence "pourrait baisser de manière assez significative", de 10 à 35 cents le gallon.
Le prix à la pompe aux États-Unis, qui a dépassé son pic de 2008, est aujourd’hui bien au-dessus de 4 dollars le gallon (3,78 litres).
La Maison Blanche, à laquelle l'opposition républicaine reproche de plomber l'activité pétrolière aux États-Unis, promet par ailleurs de "faire tout ce (qu'elle) peut" pour encourager l'extraction.
Joe Biden n'a pas ménagé ses critiques jeudi contre les compagnies pétrolières qui "s'assoient sur leurs bénéfices record" au lieu d'investir et de produire davantage.
"Aucune entreprise américaine ne devrait profiter d'une pandémie ou des actions de Vladimir Poutine pour s'enrichir aux dépens des ménages", a-t-il fustigé.
Le président voudrait en particulier que le Congrès impose des amendes aux entreprises qui disposent des permis et des terrains nécessaires, mais qui ne les exploitent pas.
Toujours dans l'idée de renforcer l'indépendance énergétique américaine, le président va invoquer le "Defense Production Act", un texte hérité de la Guerre Froide qui lui permet de prendre des décisions économiques par décret, pour encourager le développement des énergies vertes.
– Cavernes de sel –
Le président démocrate de 79 ans tente depuis l'invasion de l'Ukraine de faire porter le blâme de la flambée de l'inflation au président russe Vladimir Poutine, alors même que la hausse des prix avait commencé avant.
Mais cette rhétorique ne semble pas convaincre les Américains, alors qu'approchent des élections législatives à l'automne qui menacent de réduire Joe Biden à l'impuissance pour le reste de son mandat.
Sa cote de confiance dépasse à peine les 40%, selon divers sondages, un niveau très bas.
Il espère peut-être la faire remonter avec cette mobilisation sans précédent des réserves stratégiques, créées en 1975 pour contrecarrer les effets des chocs pétroliers.
Enfouies dans d'immenses cavernes de sel allant jusqu'à 800 mètres de profondeur le long de la côte du Golfe du Mexique, elles peuvent emmagasiner jusqu'à 714 millions de barils d'or noir mais comptent actuellement 568 millions de barils.
L'administration américaine y puise déjà depuis l'automne : elle avait annoncé en novembre vouloir débloquer 50 millions de barils, puis de nouveau 30 millions début mars.
– Inflation –
Selon le dernier indicateur d'inflation en date aux États-Unis, l'indice PCE publié jeudi par le département du Commerce, les prix à la consommation ont continué leur escalade en mars aux États-Unis en progressant de 6,4% sur un an et 0,6% sur un mois.
À l'approche des élections législatives de mi-mandat, la Maison Blanche a fait de la lutte contre cet emballement des prix, jamais vu depuis les années 1980, l'une de ses priorités.
Puiser encore plus dans les réserves stratégiques peut aider mais "le marché est actuellement inondé des nouvelles faisant bouger les prix à la hausse ou à la baisse", rappelle John Kilduff.
L'initiative de l'administration Biden aurait d'autant plus d'impact si "d'autres pays montent aussi au créneau", souligne le spécialiste en regrettant que les membres de l'Opep+ "ne bougent pas pour l'instant le petit doigt".
Les treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par Ryad, et leurs dix alliés conduits par Moscou (Opep+), ont convenu jeudi d'une nouvelle ouverture de leurs vannes d'or noir mais très modeste : de l'ordre de 432.000 barils par jour pour le mois de mai.
La communauté internationale avait pourtant multiplié les appels pour qu'ils pompent plus allègrement.
Le pétrole a tutoyé le 7 mars ses records historiques atteints lors de la crise financière de 2008, dépassant les 130 dollars le baril avant de redescendre entre 100 et 110 dollars actuellement.
burs-aue/eb/bt
V.Duran--ESF