Dans l'océan Indien, exercices inédits des Marines française, iranienne, indienne et bangladaise
Au large de Goa, dans l'océan Indien, trois officiers médecins de la Marine iranienne sur un zodiac se présentent à la porte de bordée du porte-hélicoptères français Mistral, avant d'être invités à monter bord...
Coiffés de casquettes noires portant en lettres dorées les mots "Navy", "Islamic republic of Iran" et "Dena" (nom de leur frégate qui croise tout près, les trois marins iraniens participaient lundi à un exercice inédit, dans le cadre d'exercices multinationaux d'assistance humanitaire.
Aussitôt à bord du Mistral, ils sont briefés par leurs homologues français sur l'état d'un homme gravement blessé, puis guidés dans le dédale du bâtiment censé être un navire civil dans le cadre de cette simulation.
Bientôt ils sont auprès d'un militaire français étendu au pied d'un escalier, feignant d'être un civil blessé, tibia droit soi-disant fracturé, baignant dans un sang factice.
Militaires iraniens et français l'examinent, s'accordent en anglais sur les premiers soins à lui apporter, bandent sa blessure, le perfusent puis décident de son évacuation à laquelle les Iraniens procèdent en direction de leur frégate. L'exercice n'aura pas duré plus d'une vingtaine de minutes.
Un tel exercice conduit par la Marine française et impliquant la Marine iranienne est une première, la participation de la république islamique aux exercices navals du Symposium des Marines de l'océan Indien (IONS) étant elle-même inédite.
Outre celles de la France et de l'Iran, les Marines indienne et bangladaise y prennent part.
- "Cadre consensuel" -
C'est l'un des exercices d'assistance humanitaire dits "Imex22" que la France et l'Inde ont coorganisé cette semaine dans le cadre de ce forum créé en 2008 à l'initiative de l'Inde (qui compte 25 pays membres) pour promouvoir la coopération pour faire face aux problématiques de la zone, au premier rang desquelles la sécurité maritime.
Une telle interaction avec l'Iran "est possible parce qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'Imex, cadre consensuel que permet l'IONS puisque l'Iran fait partie des marines riveraines de l'Océan indien", déclare à l'AFP le capitaine de vaisseau Alexis Muller, commandant du Mistral.
Outre la sécurité maritime, et le partage de l'information inhérente, les procédures et actions de soutien aux populations frappées par des catastrophes naturelles et la sécurité environnementale sont les principales thématiques du forum.
Assurée depuis juin 2021 pour deux ans par la France, seul pays européen riverain de l'océan Indien, la présidence tournante du IONS lui a d'ailleurs été transférée par l'Iran.
"Il est important d'intégrer l'Iran dans ce forum et de pouvoir travailler avec lui sur des thèmes consensuels qui intéressent la vie humaine comme l'assistance aux populations", poursuit celui que l'équipage surnomme traditionnellement le "Pacha".
Depuis la "passerelle", poste de commandes du Mistral, on aperçoit à tribord la frégate indienne "Chennai" et l'hélicoptère "Chetak" qui s'y pose.
La frégate Courbet, escorteur du Mistral, le bâtiment de soutien et d'assistance Loire ainsi que les frégates indienne Gharial, iranienne Dena et bangladaise Prottasha, participent aux opérations.
- Relations "très importantes" -
"Le but est de travailler ensemble pour être plus interopérable pour la sécurité maritime dans la zone de l'océan Indien", continue le capitaine.
Il s'agit de porter secours, par exemple après le passage d'un cyclone, à des navires en détresse, dit-il.
Des plongeurs de bord français et indiens ont pu collaborer au cours d'une simulation d'une opération sous-marine visant à libérer une hélice de navire bloquée par un filet provoquant la dérive du bâtiment.
L’enseigne plongeur de bord Adrien explique à l'AFP avoir été surpris de découvrir que les Indiens plongeaient en solo, reliés à la surface par "un fil de vie" et un masque avec micro.
"Leur autonomie s’en trouve limitée par rapport à nous qui plongeons toujours en binôme, sans fil d’Ariane, ni micro", dit-il, "du coup ils étaient contents de venir plonger autrement".
L’océan Indien est traversé par une grande partie du trafic maritime commercial mondial. C'est aussi une zone de tensions géopolitiques, d'activités terroristes et de toutes sortes de trafics illicites, notamment d’armes et de drogue.
"Dans le contexte stratégique général, les relations (bilatérales) avec l'Inde sont très importantes", déclare à l'AFP l’Amiral Vandier, chef d’état-major de la Marine française, héliporté à bord du Mistral mardi après une visite de plusieurs jours à New Delhi.
- "Signal dissuasif" -
Il dit y avoir rencontré son homologue indien R. Hari Kumar et "beaucoup d'officiels indiens du ministère de la Défense".
L'Inde "est la principale Marine de la zone, excepté si l'on va plus à l'est, la Marine chinoise qui sont très inquiets du développement militaire dans la zone qui a une vitesse de développement considérable et peut conduire à des tensions", poursuit-il.
L'augmentation du niveau d'interopérabilité entre l'Inde et la France "est aussi une façon d'envoyer un signal de coopération et aussi un signal un peu dissuasif en disant +ce n'est pas une seule personne que vous trouvez en face de vous, ce sont plusieurs et qui se parlent+", souligne l'Amiral. C'est la force des coalitions."
A.Barbero--ESF