Des milliers de manifestants en France contre l'extrême droite, loin d'être pro-Macron
"Mieux vaut un vote qui pue qu'un vote qui tue". A Paris et en région, ils sont plusieurs milliers à être venu dire "non à l'extrême droite" sans pour autant soutenir Emmanuel Macron à huit jours du second tour de la présidentielle qui oppose le président sortant à Marine Le Pen.
"Pas une voix pour Marine Le Pen!", ont martelé les organisateurs devant plusieurs centaines de manifestants à Lille.
"On est ici pour dire non à l'extrême droite. (...) pour la société, les libertés mais aussi le climat. Ce serait une vraie régression si elle arrivait au pouvoir", explique à l'AFP Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France à Paris où plusieurs milliers de personnes se sont mobilisées.
A Marseille aussi, ville où Emmanuel Macron tient meeting ce samedi: "On est là pour faire barrage à l'extrême droite", assure une lycéenne, Medina Bayoui, venue défiler.
A Lyon, où les manifestants sont en majorité des jeunes, Emma, 23 ans, étudiante, se mobilise "contre la banalisation des idées dangereuses, contre le racisme, l’exclusion, la dictature en puissance", et reprend un slogan : "A ceux qui osent voter les lois racistes, tout le monde répond : résistance !"
Marine Le Pen, qui s'est exprimée devant la presse plus tôt dans la matinée à Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir), estime que "venir manifester contre les résultats d'une élection" est "profondément antidémocrate. Donc, je pense que les Français trouvent ça désagréable de voir que leur choix est ainsi contesté dans la rue, par l'intermédiaire de manifestations".
"En rejetant Marine Le Pen, il s’agit d’empêcher l’avènement d’un projet de société destructeur de l’Etat de droit, de la république démocratique sociale et solidaire que nous défendons chaque jour", selon le communiqué des organisateurs, une trentaine d'organisations et syndicats, comme la LDH, SOS Racisme, la CGT, le Sundicat de la magistrature ou encore le syndicat national des journalistes.
"C’est tout sauf un projet social comme il se prétend (...). On est là pour dire +il y a le feu, notre mouvement social doit réagir+", rappelle Benoit Teste, secrétaire général de la FSU.
- "Ni Le Pen ni Macron" -
Dans ces cortèges baignés de soleil, si les manifestants sont tous contre l'extrême droite, ils n'épargnent pas le président sortant, voire renvoient les deux prétendants dos-à-dos.
A Paris, le coprésident du Mrap François Sauterey résume : "nous ne voulons pas de Marine Le Pen à l’Élysée. Nous sommes là pour dire +utilisez votre bulletin de vote pour l’empêcher d’arriver au pouvoir+, on ne dit pas +votez Macron+, mais ça revient à ça".
Bruno, enseignant de 60 ans, est venu de Chambéry à Lyon pour dire "non au nationalisme, au populisme, à la xénophobie", évitant la manif de Grenoble "trop anti-Macron. Je vais quand même voter pour lui, le danger est trop grand pour la démocratie".
Voter Macron, c'est permettre "de choisir à qui on s'oppose. (...) On aura la possibilité d'organiser une opposition forte", selon Aneth Hambert, 25 ans et militante EELV à Lille.
Militant de SOS Racisme, Sasha Halgand, qui regrette d'être face à "un duel Macron/Le Pen dont la jeunesse ne veut pas, (...) le vote utile se porte sur lui. Si Marine le Pen arrivait au pouvoir, il y aurait des milices fascistes, des lois liberticides".
Lucile Muller, 19 ans étudiante à Paris, "conteste les deux candidats" : "on avait déjà ce même résultat il y a cinq ans mais on ne connaissait pas Macron. Là, on a vu les violences policières, les lois liberticides (...) On aurait aimé avoir le choix, avec un second tour Mélenchon/Macron, avec des débats sur l’écologie par exemple".
A Saint-Etienne, 200 personnes, dont de nombreux jeunes tendance anticapitaliste, extrême gauche ou libertaire, ont participé à un "Carnaval contre la mascarade électorale", arborant des masques d’Emmanuel Macron, et ces slogans "Ni Macron ni Le Pen", "Non à la bourse", "Suspicion partout, liberté nulle part".
Enfin à Marseille, une banderole du NPA proclame: "Contre Le Pen et l’extrême droite, contre Macron et sa politique antisociale, ne comptons que sur nos luttes".
A Paris, où la tête de cortège est arrivée place de la République vers 17H00, quelques incidents ont éclaté entre les forces de l'ordre et une centaine de personnes lors de la dispersion. Avec des jets de projectiles, un vélo et des déchets incendiés d'un côté, l'utilisation de lacrymogènes de l'autre.
Et si à Paris une pancarte rappelait : "2002 (NDLR: Jean-Marie Le Pen contre Jacques Chirac au deuxième tour) c'était non, 2022 c'est toujours non", rappelle une pancarte à Paris. A Nice, une centaine de personnes se sont rassemblées, là où en 2002 "on était 20.000 entre les deux tours", se souvient Jean-Pierre Lamort, 77 ans.
L.M. Del Campo--ESF