Irritée par le trublion Orban, l'UE veut siffler la fin de la récré
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a suscité colère et incompréhension au sein de l'Union européenne en rendant visite à Vladimir Poutine, une "initiative de paix" non concertée avec les Vingt-Sept qui cherchent désormais à le brider.
La Hongrie occupe depuis le 1er juillet la présidence tournante du Conseil de l'UE, une fonction de coordination des travaux législatifs qui n'autorise pas à s'exprimer au nom des Européens sur la scène internationale.
Or, M. Orban est accusé d'abuser de cette position.
Sa visite à Moscou vendredi pour discuter des voies d'un "cessez-le-feu" en Ukraine rompait avec la position européenne de soutien total à Kiev et d'isolement de la Russie.
Elle est d'autant plus mal perçue que des bombardements russes ont fait plus de 30 morts en Ukraine lundi et dévasté un hôpital pour enfants, provoquant un choc dans le pays et parmi ses alliés.
"Viktor Orban ne représente l'UE en aucune manière. Il exploite la présidence de l'UE pour semer la confusion", a protesté la Première ministre estonienne Kaja Kallas, récemment choisie par les Vingt-Sept pour succéder à Josep Borrell comme cheffe de la diplomatie européenne.
Le sujet est mercredi au menu d'une réunion à Bruxelles des ambassadeurs des pays membres auprès de l'UE.
"De nombreux États exprimeront leur grand mécontentement à l'égard des actions récentes d'Orban", confie à l'AFP un diplomate européen, sous couvert d'anonymat.
- "Un troll" -
"Orban est un troll, il se moque du monde... Nous voulons lui adresser un carton jaune et lui dire que nous ne sommes pas dupes de ses foutaises", explique un autre.
Aucune annonce concrète n'est attendue mercredi mais les ambassadeurs devraient commencer à évoquer plusieurs mesures possibles à l'encontre de la Hongrie, dont un éventuel boycott des réunions informelles de l'UE prévues dans le pays ces prochains mois.
"Les tensions sont fortes après seulement sept jours de présidence" hongroise, a souligné un troisième diplomate, selon qui "l'inquiétude grandit au sujet de la prétendue +mission de paix+ que M. Orban s'est arrogée".
Plusieurs sources ont cependant démenti une rumeur selon laquelle la présidence du Conseil de l'UE puisse être retirée à la Hongrie pour être transmise à la Pologne dès septembre. "Aucun pays n'a mentionné cela", assure une diplomate.
La visite de M. Orban au président russe "pour mettre fin à la guerre" devrait aussi alimenter les discussions au sommet de l'Otan à Washington auquel participe le dirigeant hongrois, au terme d'un périple international qui l'a vu notamment se rendre à Kiev, avant Moscou, puis Pékin.
Selon une lettre envoyée par M. Orban au président du Conseil européen, Charles Michel, M. Poutine se serait dit ouvert "à toute proposition de cessez-le-feu qui ne servirait pas la réorganisation des forces ukrainiennes".
Le président russe aurait également assuré avoir des "idées précises" sur ce à quoi devrait ressembler la "nouvelle architecture européenne" après la fin du conflit, mais la missive de M. Orban, consultée par l'AFP, ne livre aucun détail.
- Conforté par Trump -
Malgré la guerre, la Hongrie a renforcé ses liens avec le Kremlin, au nom de ses intérêts économiques notamment dans le domaine énergétique.
Viktor Orban critique les sanctions contre la Russie et l'aide militaire à Kiev. Il s'oppose à la perspective d'une adhésion de l'Ukraine à l'UE.
Opportunément, le traditionnel discours devant les eurodéputés du dirigeant occupant la présidence tournante de l'UE, généralement prononcé en juillet, sera finalement reporté à septembre.
Au Parlement européen, on souligne la nécessité de se concentrer la semaine prochaine sur les nominations aux postes clés des institutions. Mais il n'y avait clairement aucun appétit pour des propos tonitruants de M. Orban dans ce contexte.
Le dirigeant hongrois a accru son influence dans cet hémicycle en s'alliant lundi avec le Rassemblement national de Jordan Bardella pour créer le troisième groupe politique.
L'Europe est d'autant plus embarrassée qu'elle redoute un retour de l'ancien président américain Donald Trump qui pourrait remettre en cause le soutien à Kiev.
Trump et Orban sont liés par une admiration mutuelle. Le slogan des six mois de présidence hongroise de l'UE "Make Europe Great Again" est directement inspiré du "Make America Great Again" de Trump.
"La perspective d'un retour de Donald Trump à la Maison Blanche encourage Viktor Orban à s'afficher ouvertement en désaccord avec l'UE et les Etats-Unis de Joe Biden sur l'Ukraine", souligne Thierry Chopin, politologue de l'Institut Jacques Delors.
A.Amaya--ESF