Bangladesh: manifestations interdites à Dacca, arrestation d'un dirigeant d'opposition
Les autorités du Bangladesh ont interdit vendredi toute nouvelle manifestation à Dacca, la capitale, et dit avoir arrêté l'un des principaux dirigeants de l'opposition, après plusieurs jours de troubles dans le pays et des affrontements meurtriers entre forces de l'ordre et étudiants au cours des dernières 48 heures.
Au fil de la semaine, les manifestations, qui ont commencé début juillet pour exiger la fin d'un système de quotas pour les embauches dans la fonction publique, ont dégénéré en heurts violents, faisant 39 morts, dont 32 jeudi.
Les rues animées de Dacca étaient désertes vendredi à l'aube, mais portaient les traces des violences : bâtiments gouvernementaux incendiés la veille, véhicules brûlés, briques jetées sur les routes... Et l'internet restait coupé.
Dans la matinée, de nouvelles confrontations ont éclaté dans la capitale. Des centaines d'étudiants ont bloqué des routes dans le quartier commercial huppé de Banani, a constaté un correspondant de l'AFP. Selon des témoins, la police a tiré des grenades lacrymogènes à plusieurs endroits de cette mégapole de 20 millions d'habitants.
"Pour assurer la sécurité publique", la police a alors "interdit tous les rassemblements, les processions et les réunions publiques à Dacca" vendredi, a déclaré à l'AFP Habibur Rahman, le chef de la police de la ville.
La police a également affirmé avoir arrêté l'un des principaux responsables de l'opposition à Dacca, Ruhul Kabir Rizvi Ahmed, l'un des responsables du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), sans donner de détails sur les raisons de son arrestation
La veille, elle avait accusé dans un communiqué "des mécréants" d'avoir "incendié, vandalisé et mené des activités destructrices" contre des bâtiments officiels, dont celui de la télévision d'Etat BTV, après une coupure "quasi totale" d'internet à travers tout le pays.
- 700 blessés -
"Une centaine de policiers ont été blessés lors des affrontements" de jeudi et une "cinquantaine de postes de police incendiés" a déclaré à l'AFP Faruk Hossain, porte-parole de la police de Dacca.
Si ces actions destructrices se poursuivent, on sera "obligés de faire un usage maximal de la loi", a mis en garde la police.
Cette dernière est à l'origine de plus des deux tiers des décès recensés, selon des informations obtenues par l'AFP auprès de sources hospitalières.
Plus de 700 personnes ont été blessées jeudi au cours de ces violents heurts entre la police et les manifestants, dont 104 policiers et 30 journalistes, selon la chaîne privée Independent Television, qui a affirmé que 26 des 64 districts du pays ont fait état d'affrontements.
Les manifestations quasi-quotidiennes lancées début juillet visent à obtenir la fin des quotas d'embauche dans la fonction publique qui réservent plus de la moitié des postes à des groupes spécifiques, notamment aux enfants des vétérans de la guerre de libération du pays contre le Pakistan en 1971.
Les étudiants exigent un recrutement basé sur le mérite, estimant que ce système favorise les enfants des partisans de la Première ministre Sheikh Hasina, qui gouverne le pays depuis 2009 et est accusée par les opposants de vouloir notamment éradiquer toute dissidence pour asseoir davantage son pouvoir.
- Empêcher toute communication -
Les manifestations sont montées en puissance au fil des jours et des affrontements ont éclaté dans plusieurs villes du Bangladesh alors que la police anti-émeute chargeait les étudiants qui avaient dressé des barrages humains sur des axes routiers.
Cette semaine, les autorités ont ordonné la fermeture des écoles et des universités pour une durée indéterminée face à la détérioration de la situation.
Les manifestants "protestent contre le caractère répressif de l'Etat", a expliqué à l'AFP Mubashar Hasan, un expert de ce pays à l'Université d'Oslo. Ils "remettent en question le leadership d'Hasina, l'accusant de s'accrocher au pouvoir par la force".
"C'est l'éruption du mécontentement latent des jeunes qui s'est construit au fil des ans, en raison de la privation de leurs droits économiques et politiques", a abondé Ali Riaz, professeur de politique à l'université de l'Illinois.
"Les quotas d'emploi sont devenus le symbole d'un système qui est truqué", ajoute-t-il.
"Nous exigeons d'abord que la Première ministre nous présente ses excuses", a déclaré à l'AFP Bidisha Rimjhim, une manifestante de 18 ans. "Il faut que justice soit rendue pour nos frères tués".
L'internet reste coupé dans le pays, selon l'organisation de défense du réseau Netblocks, basée à Londres.
"Les perturbations empêchent les familles de se contacter et étouffent les efforts visant à documenter les violations des droits de l'homme", a écrit l'organisation dans un message sur les réseaux sociaux.
A.Abarca--ESF