Venezuela: la cheffe de l'opposition appelle à manifester samedi
La cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado a appelé à manifester samedi "dans toutes les villes" du pays pour dénoncer les fraudes qui ont permis, selon elle, la réélection du président Nicolas Maduro.
"Nous devons rester fermes, organisés et mobilisés avec la fierté d'avoir obtenu une victoire historique" dimanche, a déclaré Mme Machado dans une vidéo publiée jeudi sur les réseaux sociaux, promettant d'aller "jusqu'au bout".
"Le monde verra la force et la détermination d'une société déterminée à vivre en liberté", a ajouté l'opposante, qui revendique la victoire écrasante de son candidat, le discret diplomate Edmundo González Urrutia, au scrutin du 28 juillet.
Plus tôt jeudi, elle a assuré "craindre pour (sa) vie" et être forcée de "se cacher".
"Je pourrais être capturée au moment où j'écris ces mots", a-t-elle assuré dans une tribune au Wall Street Journal, au lendemain de menaces lancées à son encontre par M. Maduro.
Une source de l'opposition a indiqué à l'AFP que la dirigeante "est en sécurité".
"Après cette farce, des manifestations spontanées ont éclaté notamment dans les quartiers pauvres de Caracas et d'autres villes. M. Maduro a répondu par une répression brutale", selon Mme Machado. Cette répression "doit cesser immédiatement, afin qu'un accord urgent puisse être conclu pour faciliter la transition vers la démocratie", a-t-elle conclu.
Mercredi, la cheffe de l'opposition, déclarée inéligible par le pouvoir et qui avait été remplacée au pied levé M. Gozalez Urrutia, avait lancé un appel aux Vénézuéliens à descendre dans les rues, premier du genre depuis le début de cette crise.
- "Je compte sur vous!" -
Héritier du dirigeant socialiste et bolivarien Hugo Chavez, M. Maduro, 61 ans, au pouvoir depuis 2013, a été réélu pour un troisième mandat jusqu'en 2031, à l'issue du scrutin de dimanche remporté avec 51,2% des voix contre 44,2% à son adversaire, selon les résultats officiels.
Le Conseil national électoral (CNE), qui a fait état d'un piratage informatique, n'a pas publié les résultats détaillés par bureau de vote alors que l'opposition dit avoir elle regroupé plus de 80% des bordereaux des bureaux. Selon ce décompte, M. Gonzalez Urrutia a recueilli 67% des voix.
Mme Machado et le candidat Urrutia ont dénoncé une "fraude massive" et exigé un recomptage transparent, une demande reprise par de nombreux pays occidentaux, mais aussi d'Amérique latine.
M. Maduro a, lui, menacé mercredi de mettre "derrière les barreaux" les deux chefs de l'opposition, qui ne sont plus apparus en public depuis mardi, jurant que ses adversaires n'arriveraient "jamais au pouvoir".
Dans la soirée, il est allé à la rencontre de policiers anti-émeutes déployés casques sur la tête et matraques à la main, dénonçant les "criminels" contestant sa réélection dont "plus de 1.200 ont été capturés". "Je compte sur vous!", a-t-il lancé aux policiers.
- Faire des provisions -
Jeudi, la vie a repris son cours quasi-normal à Caracas, et les transports publics ont circulé de nouveau.
"La vie revient à la normale. Je reviens du travail et j'achète quelques petites choses à manger pour la maison", a déclaré à l'AFP Reinaldo Garcia, 55 ans, un petit entrepreneur du quartier populaire de Petare.
"On ne sait pas ce qui peut arriver. Avec cette incertitude, les gens font des provisions. Comme tout le monde, je suis sorti faire des courses, du sucre, un peu de tout. Le pays est dans un entre-deux", a commenté Carmen, 50 ans, toujours à Petare.
Dans la ville, la présence policière reste discrète, quoiqu'un peu plus visible que d'habitude, avec des déploiements nocturnes dans les quartiers les plus contestataires.
Les obsèques de plusieurs des manifestants ont eu lieu, comme celle de Victor Bustos, tué d'une balle dans la poitrine à Valencia (nord), la troisième ville du pays.
"Ils ont pris sa vie injustement", ont raconté les proches de cet ouvrier de 35 ans, accusant la police d'avoir "tiré à balles réelles".
- "Avec célérité" -
Selon l'ONG vénézuelienne Foro Penal, 46 personnes ont été arrêtées à Valencia, dont certaines "transférées vers des sites militaires en toute illégalité", selon la même ONG.
Selon le procureur général Tarek William Saab, 1.062 personnes ont été arrêtées pour "comportement fascisant", encourant jusqu'à trente ans de prison.
M. Maduro a annoncé que deux prisons de haute sécurité étaient en train d'être préparées pour accueillir les manifestants. "Nous en avons capturé 1.200, nous en rechercons 1.000 autres et nous allons tous les attrapper", a-t-il promis dans des déclarations à la télévision nationale, accusant les protestataires de vouloir "transformer le Venezuela en un nouvel Haïti".
Plusieurs ONG, dont Amnesty International, ont dénoncé dans un communiqué "l'usage disproportionné de la force".
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a évoqué des "preuves incontestables" d'une victoire du candidat de l'opposition à la présidentielle, dans communiqué diffusé jeudi.
La Colombie, le Brésil et le Mexique, tous trois entretenant plutôt de bonnes relations avec le Venezuela chaviste, ont demandé jeudi "une vérification impartiale des résultats", et ceci "avec célérité".
S.Delgado--ESF