Venezuela: Maduro accuse et menace, l'opposition descend dans la rue
Avant une journée cruciale de manifestations samedi contre sa réélection, le président vénézuélien Nicolas Maduro s'est appuyé sur les résultats officiels en sa faveur publiés pour de nouveau menacer l'opposition et vilipender les Etats-Unis et les pays ayant reconnu la victoire de son adversaire.
Sans surprise, l'autorité électorale a confirmé vendredi la réélection de Maduro, avec 52% des voix face à l'opposant Edmundo Gonzalez Urrutia (43%), sans pour autant donner les résultats détaillés.
"Nous avons gagné!", a rétorqué du tac-sur le réseau social X la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible par le pouvoir et qui avait été remplacée au pied levé par M. Gonzalez.
"Nous devons continuer à aller de l'avant pour affirmer la vérité. Nous avons les preuves et le monde les reconnaît déjà", a lancé Mme Machado, qui considère comme une "farce" les chiffres mis en avant par le Conseil national électoral (CNE), et a donné rendez-vous à ses concitoyens samedi en milieu de matinée sur l'une des grandes avenues de la capitale.
- "Maudite" Maria -
Selon le décompte de l'opposition, M. Gonzalez a recueilli 67% des voix. Au moins 11 civils et un militaire ont été tués, et plus de 1.200 personnes arrêtées lors des manifestations spontanées qui ont éclaté un peu partout dans le pays dans les deux jours qui ont suivi le scrutin.
L'opposition, qui a dénoncé une "répression brutale", parle de vingt morts et onze disparitions forcées.
Vendredi, elle a dénoncé le saccage de son siège à Caracas dans la nuit par un groupe d'hommes armés et cagoulés, de même que la "détention arbitraire" de l'un de ces responsables, le journaliste Roland Carreño, arrêté dans la capitale.
La journée de mobilisation de samedi s'annonce donc à haut-risque, alors que M. Maduro s'en est pris de nouveau avec véhémence à ses adversaires, cet "assassin de Gonzalez", et la "maudite Maria" Machado, qu'il avait déjà menacés de faire emprisonner.
Au cours d'une conférence de presse à la présidence, il a accusé ses adversaires de préparer des attentats contre la police lors des marches prévues samedi.
Revenant sur les manifestations ayant suivi le scrutin, il a de nouveau fustigé un "plan prémédité" par des "fascistes", des "criminels et des drogués" qui s'en sont pris aux "symboles du chavisme bolivarien".
La répression et le souvenir de celle de 2017 (qui avait fait une centaine de morts) ainsi que les déclarations de Maduro génèrent une certaine peur de manifester dans le pays. La question de la capacité de l'opposition à mobiliser dans ces conditions se pose et la journée de samedi parait importante pour la séquence des jours à venir.
- "Preuves incontestables" -
Une nouvelle fois, il n'a eu de cesse de brocarder le "coup d'Etat" mené selon lui "par les Etats-Unis et l'extrême droite internationale" depuis sa réélection contestée.
"Les USA se prennent pour l'autorité électorale au Venezuela et dans le reste du monde", a-t-il fustigé, s'en prenant à plusieurs reprises nommément au chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken.
Jeudi, M. Blinken, arguant de "preuves incontestables", a estimé que l'opposant Gonzalez avait gagné la présidentielle. Dans la foulée de cette déclaration, cinq pays d'Amérique latine ont reconnu vendredi la victoire de l'opposant, parlant eux aussi de "preuves incontestables" de cette victoire.
Selon la diplomatie américaine, l'écart en faveur de M. Gonzalez se compte même en "millions de voix".
Le Pérou a été le premier pays, mardi, a reconnaître Edmundo Gonzalez Urrutia comme le président élu "légitime", ce qui a poussé Caracas a rompre ses relations diplomatiques avec Lima.
En face, le Nicaragua, l'un des fidèles alliés du pouvoir chaviste avec la Russie et l'Iran notamment, a reconnu la victoire de M. Maduro proclamée officiellement par le Conseil national électoral.
Le dirigeant socialiste a "remercié" les présidents du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, de la Colombie, Gustavo Petro, et du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, qui "travaillent ensemble pour que le Venezuela soit respecté et que les États-Unis ne fassent pas ce qu'ils font", a déclaré M. Maduro.
La veille, ces trois pays entretenant plutôt de bonnes relations avec le Venezuela chaviste avaient demandé "une vérification impartiale des résultats" de l'élection.
A.Abascal--ESF