Venezuela: l'opposition défie dans la rue Maduro, qui s'accroche et menace
La cheffe de l'opposition vénézuélienne est réapparue samedi à la tête d'une manifestation de milliers de partisans à Caracas pour contester la réélection de Nicolas Maduro, qui devant ses soutiens a affiché sa volonté de briser tout projet d'"usurper" le pouvoir.
Camp contre camp: moins d'une semaine après la présidentielle du 28 juillet, le pays, déjà exsangue économiquement, s'enfonce dans une nouvelle crise et se déchire, devant une communauté internationale largement impuissante.
"Nous n'avons jamais été aussi forts qu'aujourd'hui" et "jamais le régime n'a été aussi faible", a lancé l'opposante en chef Maria Corina Machado, qui avait dit jeudi être "cachée" et craindre pour sa vie.
Déclarée inéligible avant le scrutin, elle revendique la victoire de son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, qui l'avait remplacée au pied levé et est désormais reconnu président élu par les Etats-Unis et plusieurs pays d'Amérique latine.
"Nous n'allons pas quitter la rue", a juré Mme Machado devant ses supporters, entourés d'un déploiement policier discret.
"Je ressens de l'espoir en la voyant malgré les menaces, c'est une lumière pour le Venezuela", a dit à l'AFP Adrian Pacheco, un commerçant de 26 ans.
- "Scénario putschiste" -
Sans surprise, Nicolas Maduro, héritier du leader socialiste Hugo Chavez et depuis 2013 à la tête du pays, a été proclamé vendredi réélu par l'autorité électorale pour un troisième mandat jusqu'en 2031. Elle l'a déclaré vainqueur avec 52% des voix face à Edmundo Gonzalez Urrutia (43%), sans pour autant donner les résultats détaillés.
Mais, selon le décompte de l'opposition, M. Gonzalez a recueilli 67% des voix.
Devant ses propres partisans, réunis samedi par milliers devant le palais présidentiel au nom de la "paix nationale", M. Maduro n'a laissé aucune place au doute.
"Personne n'imposera le scénario putschiste", a-t-il prévenu.
"On n'acceptera pas, avec les lois nationales, qu'ils" essaient "d'usurper à nouveau la présidence de la République", a-t-il lancé.
Une façon de rappeler qu'après sa réélection déjà controversée de 2018, une partie de la communauté internationale avait reconnu en 2019 l'opposant Juan Guaido comme "président" intérimaire. Une initiative qui s'était soldée par un échec.
"Nous sommes au début d'une nouvelle ère, l'ère de la consolidation de la révolution, l'ère du bien-être", estimait Ali Garcia, professeur de 69 ans, dans la foule où dominait le rouge, couleur du parti au pouvoir.
Mais le pays aux immenses réserves pétrolières est plongé dans une crise économique sans précédent engendrée, selon les experts, par la mauvaise gestion et les sanctions américaines contre un gouvernement accusé de multiples violations des droits humains.
- "Répression brutale" -
Le chef d'Etat chaviste a aussi averti qu'il ne baisserait pas la garde: "Les patrouilles militaires et policières sont maintenues dans tout le Venezuela pour protéger le peuple", a-t-il annoncé.
Au moins 11 civils et un militaire ont été tués, et plus de 1.200 personnes arrêtées lors des manifestations spontanées qui ont éclaté dans le pays dans les deux jours qui ont suivi le scrutin.
L'opposition, qui fustige une "répression brutale", parle de 20 morts et 11 disparitions forcées.
Vendredi, elle a dénoncé le saccage de son siège à Caracas dans la nuit par un groupe d'hommes armés et cagoulés, de même que la "détention arbitraire" de l'un de ses responsables, le journaliste Roland Carreño.
M. Maduro n'a de cesse de brocarder le "coup d'Etat" mené selon lui par les Etats-Unis depuis sa réélection contestée.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a reconnu dès jeudi la victoire de l'opposition, arguant de "preuves incontestables".
Six pays d'Amérique latine ont déjà reconnu aussi l'élection de l'opposant: Pérou, Argentine, Uruguay, Equateur, Costa Rica et Panama.
De leur côté, les dirigeants de sept pays européens - France, Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Pologne - ont demandé samedi au Venezuela de "publier rapidement tous les procès-verbaux" des bureaux de vote, dans une déclaration commune.
Le Nicaragua, l'un des fidèles alliés de Caracas avec la Russie et l'Iran notamment, a reconnu la victoire de M. Maduro.
A.Abarca--ESF