Venezuela: Maduro, sous pression internationale, compte sur la Cour suprême
Le président vénézuélien Nicolas Maduro, dont la réélection a été proclamée sans décompte détaillé des suffrages, comparaît vendredi devant la Cour suprême qu'il a lui même saisie pour faire valider sa victoire face à une opposition assurant détenir des preuves de la fraude du pouvoir.
L'audience de vendredi ne devrait pas donner lieu à de grandes surprises, la plupart des observateurs s'accordant à dire que le Tribunal suprême de justice (TSJ) comme le Conseil national électoral (CNE) sont aux ordres du pouvoir.
"Demain (vendredi), +le coq de combat+ ira au Tribunal suprême de justice", a affirmé jeudi M. Maduro, parlant de lui à la troisième personne en utilisant le surnom qu'il s'est donné pendant la campagne électorale.
"Nous voulons la paix, la tranquillité, c'est pourquoi j'ai déposé ce recours contentieux auprès du TSJ. Il y a eu deux jours d'audience, tous les candidats et tous les partis ont été convoqués, et c'est mon tour", a-t-il encore lancé à ses partisans venus le soutenir lors d'une manifestation à Caracas.
Le CNE a ratifié vendredi 2 août la victoire de M. Maduro avec 52% des voix, sans rendre publics le décompte exact des voix et les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d'un piratage informatique.
Selon l'opposition, qui a publié les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs -- dont la validité est rejetée par M. Maduro -- Edmundo Gonzalez Urrutia, qui avait remplacé au pied levé la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado -- déclarée inéligible --, a remporté le scrutin avec 67% des voix.
L'opposition ainsi que de nombreux observateurs estiment que le piratage du CNE est une invention du gouvernement pour ne pas avoir à publier les procès-verbaux des bureaux de vote.
Le président Maduro a lui saisi le TSJ le 1er août pour faire "valider" sa victoire.
- "Opaque" -
Lundi, après avoir reçu le président du CNE qui a assuré avoir remis tous les procès-verbaux à la justice, la présidente du TSJ Caryslia Rodriguez a indiqué que la Cour avait "15 jours prolongeables" pour rendre sa décision.
Avec cette procédure, M. Maduro "admet implicitement que personne ne croit en la proclamation (du CNE), au point qu'il demande qu'un autre pouvoir intervienne pour certifier sa victoire", estime Perkins Rocha, avocat de l'opposition, qui ajoute "M. Maduro sait qu'il peut compter sur un TSJ à genoux devant lui".
Edmundo Gonzalez Urrutia, qui était convoqué mercredi, ne s'est pas rendu au tribunal, écrivant sur X: "Si je vais" à la Cour Suprême "je mettrai en danger non seulement ma liberté mais aussi, plus important: la volonté du peuple vénézuélien exprimée le 28 juillet", date du scrutin.
"Tout indique que la procédure judiciaire est une sorte d'embuscade contre Edmundo Gonzalez. Nous partons du point que le pouvoir judiciaire est contrôlé par Maduro, tout comme le pouvoir électoral", analyse Giulio Cellini, directeur du cabinet de consultants politiques Logconsultancy.
"Donc quelque chose qui devrait être résolu au niveau administratif, c'est-à-dire au CNE, est porté devant le tribunal pour essayer de ratifier cette victoire, mais la préoccupation est que ce processus au niveau judiciaire est opaque", ajoute-t-il.
Le Brésil, la Colombie et le Mexique ont dit prendre note du processus engagé auprès du TSJ mais insisté jeudi sur la nécessité pour Caracas de rendre publics les procès-verbaux de la présidentielle, partant du "principe que le CNE est l'organe légalement mandaté pour divulguer de manière transparente les résultats de l'élection", selon une déclaration conjointe.
Jeudi soir, lors de la même manifestation de "soutien à sa victoire", le président Maduro a annoncé que le réseau X (ex-Twitter) était suspendu pendant dix jours. Une mesure qui a été mise à exécution vers 21H30 locales (01H30 GMT samedi).
"Personne ne me fera taire, je vais affronter l'espionnage de l'empire technologique. Elon Musk (...) a violé toutes les règles du réseau social Twitter, devenu X, et les a violées en incitant à la haine et au fascisme", a lancé M. Maduro, qui accuse régulièrement le milliardaire américain de comploter contre lui.
Le président avait annoncé lundi se retirer de WhatsApp tout en fustigeant les réseaux sociaux, accusés de tentative de "coup d'Etat cyberfasciste criminel".
S.Delgado--ESF