La Russie intensifie les évacuations de civils face à l'incursion ukrainienne
La Russie a ordonné lundi de nouvelles évacuations de civils dans les régions de Belgorod et Koursk, frontalières de l'Ukraine, près d'une semaine après une incursion ukrainienne d'ampleur qui a déjà poussé plusieurs dizaines de milliers de personnes au départ.
Après des mois de recul face aux soldats russes sur son front Est, l'Ukraine a lancé le 6 août une opération d'envergure inédite dans la région russe de Koursk, y prenant, selon des analystes, le contrôle de plusieurs localités. Celle de Belgorod, voisine, n'est à ce stade pas concernée par des combats, mais la situation y est jugée "alarmante" par les autorités.
Des "milliers" de soldats ukrainiens participent à cet assaut surprise, selon un haut responsable ukrainien du secteur de la sécurité, s'exprimant auprès de l'AFP sous couvert d'anonymat.
"L'objectif est d'étirer les positions de l'ennemi, de lui infliger des pertes maximales, de déstabiliser la situation en Russie (...) et de transférer la guerre sur le territoire russe", a-t-il expliqué à l'AFP.
De son côté, l'armée russe persiste à dire qu'elle inflige de lourdes pertes aux Ukrainiens, en empêchant notamment des "tentatives de percées" en direction de localités situées à environ 30 kilomètres à vol d'oiseau du territoire ukrainien.
Mais la situation pour les civils est délicate: plus de 76.000 personnes vivant dans la région de Koursk ont été évacuées selon les autorités samedi, et lundi, le gouverneur par intérim, Alexeï Smirnov, a annoncé étendre les évacuations au district de Belovski, peuplé de près de 15.000 habitants.
Face à une situation "alarmante", les autorités de la région de Belgorod, attenante à celle de Koursk, ont elles aussi ordonné dans la matinée l'évacuation des habitants du district de Krasnoïaroujski "pour (leur) sécurité".
"Il y a des activités ennemies" dans la zone, a reconnu le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, qui n'a pas précisé combien de civils étaient concernés par cette décision.
- Accueil des évacués -
A Moscou, l'accueil des déplacés s'organise depuis plusieurs jours.
Daria Tchistopolskaïa, une sage-femme de 28 ans, est ainsi venue déposer des jouets qu'elle aurait sinon donnés à des proches ou remisés dans la datcha familiale.
"L'Etat ne se préoccupe pas assez de ces personnes et les gens eux-mêmes devraient s'entraider dans de telles situations", déplore-t-elle auprès de l'AFP.
Dans la nuit de dimanche à lundi, l'armée russe a par ailleurs dit avoir "détruit" un total de 18 drones d'attaque ukrainiens dans trois régions de l'ouest russe (Koursk, Belgorod et Voronej), sans évoquer d'éventuels dégâts ou blessés.
Des journalistes de l'AFP ont vu dimanche, sur des routes de la région ukrainienne de Soumy (nord), en face de celle de Koursk, des dizaines de blindés ukrainiens.
Ces véhicules, de différents types, sont marqués d'un triangle blanc qui sert manifestement à identifier les troupes prenant part à cette offensive.
Après des jours de silence sur l'opération, le président Volodymyr Zelensky a expliqué samedi que Kiev cherchait, par cette attaque, à "déplacer la guerre sur le territoire de l'agresseur" russe.
Dans ce contexte, les autorités ukrainiennes ont demandé l'évacuation d'au moins 20.000 civils de la région de Soumy. Côté russe, le régime "antiterroriste" a été instauré dans les régions frontalières de Koursk, Belgorod et Briansk.
- "Moral renforcé" -
L'incendie qui s'était déclaré dimanche soir dans le système de refroidissement de la centrale nucléaire ukrainienne à l'arrêt de Zaporijjia, occupée par les forces armées russes, a par ailleurs été "éteint", a assuré lundi un responsable de l'occupation dans le sud de l'Ukraine, Vladimir Rogov.
Kiev et Moscou se sont accusés mutuellement de l'incident.
L'Agence internationale de l'énergie atomique a affirmé qu'"il n'y a pas d'impact sur la sûreté nucléaire", tout en dénonçant une nouvelle fois des "attaques irresponsables qui (...) augmentent le danger d'un accident nucléaire".
La Russie a envahi l'Ukraine en février 2022 et y mène depuis lors une offensive incessante, occupant près de 20% de ce pays et soumettant des villes ukrainiennes à des attaques quotidiennes d'artillerie, de missiles et de drones.
Selon le responsable ukrainien interrogé par l'AFP, l'incursion visait initialement à détourner les forces russes des régions ukrainiennes de Kharkiv et du Donbass (est) pour alléger leur pression sur l'armée de Kiev, moins nombreuse.
Mais, pour l'instant, "leur pression dans l'Est continue. Ils ne retirent pas leurs troupes de cette zone", même si "l'intensité" des attaques russes y a "un tout petit peu baissé".
L'attaque a cependant "pris les Russes au dépourvu" et "a vraiment renforcé notre moral", a poursuivi ce responsable.
Tôt ou tard, la Russie va "arrêter" les unités ukrainiennes dans la région de Koursk mais, si "au bout d'un certain temps, elle n'arrive pas à reprendre ces territoires, ils pourront être utilisés à des fins politiques", par exemple, lors de négociations de paix, a-t-il jugé.
Ce responsable a enfin assuré que les alliés occidentaux de l'Ukraine avaient été prévenus de l'incursion "vu que l'armement occidental est activement utilisé" dans cette opération.
C.Ferreira--ESF