Thaïlande: avec Paetongtarn, le retour attendu du clan Shinawatra aux affaires
Paetongtarn Shinawatra, l'héritière de la dynastie politique la plus célèbre de Thaïlande, soumet vendredi sa candidature pour le poste de Première ministre à l'Assemblée nationale, où une majorité de députés dit la soutenir.
Le vote doit démarrer à partir de 10H00 (03H00 GMT) dans la capitale Bangkok.
"Nous sommes convaincus que le parti et la coalition dirigeront notre pays pour l'aider à faire face à la crise économique", a déclaré jeudi Paetongtarn, seule candidate déclarée pour le moment.
En cas de majorité, elle deviendra la troisième Shinawatra à occuper le rôle, après son père Thaksin (2001-2006) et sa tante Yingluck (2011-2014), tous les deux renversés par un coup d'Etat.
A 37 ans, elle serait aussi la plus jeune dirigeante qu'ait connu la Thaïlande depuis la fin de la monarchie absolue en 1932.
Sa nomination doit sortir de la crise un royaume à l'arrêt, sur fond de divisions tenaces et de croissance en berne.
En une semaine, la Cour constitutionnelle a dissous le principal parti d'opposition et destitué le Premier ministre Srettha Thavisin, allant à l'encontre de la volonté de changement exprimé par une majorité de Thaïlandais dans les urnes, selon le camp prodémocratie.
- Coalition décriée -
Paetongtarn dispose du soutien de la coalition majoritaire sortante, dominée par le parti Pheu Thai sous l'influence de son père.
Les Shinawatra sont indissociables des tensions qui fragmentent le royaume depuis plus de vingt ans, entre une vieille garde pro-monarchie protégée par l'armée et les institutions, et des électeurs avides de changement.
Ultrapopulaire dans les années 2000, Thaksin, ancien policier qui a fait fortune dans les télécoms, a longtemps été la bête noire des généraux, qui détestaient son style jugé populiste et affairiste.
Le milliardaire de 75 ans a repris un rôle central depuis qu'il ait rentré en Thaïlande l'an dernier, après quinze années d'exil volontaire pour échapper à des condamnations qu'il contestait.
Longtemps discrète, Paetongtarn a été mis en lumière au moment des législatives de 2023 -- mais sans mener le parti vers le raz-de-marée électoral promis dans les sondages.
Faute d'avoir remporté suffisamment de sièges, Pheu Thai a dû s'allier avec des partis pro-armée, ses anciens rivaux, trahissant au passage une promesse de campagne.
Jusqu'à la destitution de Srettha Thavisin, elle était chargée de promouvoir le "soft power" au sein d'un comité gouvernemental, tout en dirigeant le parti.
- "Prête" -
"Elle a deux, trois années d'expérience, et elle vient d'une famille politique, donc je pense qu'elle est prête", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Yuttaporn Issarachai.
Le profil de Paetongtarn peut séduire les nouvelles générations, qui ont réclamé lors de grandes manifestations en 2020 et 2021 une refonte en profondeur du système, mais "ça sera difficile de se détacher de l'influence des conservateurs et des militaires", a-t-il estimé.
La candidate a indiqué jeudi qu'elle s'inscrivait dans la lignée de son prédécesseur, qui avait mis la priorité sur le tourisme et les investissements étrangers pour relancer une croissance stagnante.
La Cour constitutionnelle a destitué mercredi Srettha Thavisin, accusé d'avoir enfreint des règles d'éthique fixées dans la Constitution en nommant comme ministre un avocat condamné à une peine de prison.
Une semaine plus tôt, les mêmes juges ont dissous le principal parti d'opposition, Move Forward, qui dispose du plus grand nombre de députés à l'Assemblée.
La formation, porte-étendard du mouvement prodémocratie, a acté sa renaissance sous la bannière du Parti du peuple.
Elle ne peut pas présenter de candidat vendredi, le seul nom éligible, Pita Limjaroenrat, ayant été exclu de la vie politique par décision de la Cour constitutionnelle.
G.Aguado--ESF