Tanzanie: la police arrête des leaders de l'opposition avant une manifestation
Au moins cinquante personnes, dont les deux dirigeants du principal parti d'opposition Chadema, ont selon ce dernier été arrêtées par la police tanzanienne, qui a interdit une manifestation prévue à Dar es Salaam contre les disparitions de militants.
Chadema avait appelé à une manifestation après le meurtre d'un de ses dirigeants, Ali Mohamed Kibao, enlevé par des hommes armés et retrouvé mort le 7 septembre.
Le parti accuse les forces de sécurité d'être impliquées dans ce meurtre, ainsi que dans la disparition récente de plusieurs de ses responsables.
Dans l'après-midi, Chadema a publié une liste de neuf personne arrêtées, dont son président Freeman Mbowe et son vice-président Tundu Lissu, deux figures politiques nationales.
"Plusieurs leaders des régions côtières et plus de 40 membres du parti", ainsi que des employés de son siège, ont également été arrêtés, ajoute le parti dans un communiqué.
Plus tôt, le commandant de la police Jumanne Muliro a déclaré qu'un total de 14 personnes ont été arrêtées.
"Nous avons interdit la manifestation après avoir relevé des signaux de violence, mais ces personnes ont continué et ont encouragé les autres", a-t-il affirmé.
L'important déploiement de forces anti-émeutes depuis samedi a dissuadé tout rassemblement et l'activité était largement normale lundi dans la capitale économique et principale ville du pays.
- "Le prix de la démocratie" -
Lundi matin, M. Mbowe a été arrêté alors qu'il s'adressait à des journalistes dans le quartier de Magomeni, l'un des points de départ prévus pour la manifestation contre les disparitions, selon une vidéo postée par Chadema sur les réseaux sociaux.
"Manifester est notre droit constitutionnel mais nous sommes surpris de l'ampleur de la force utilisée par la police pour menacer les gens et supprimer notre liberté", a-t-il déclaré.
"Voici le prix de la démocratie dans notre pays", a-t-il ensuite lancé alors que des policiers l'emmenaient.
L'arrestation de son vice-président Tundu Lissu, dont la maison dans la banlieue de Dar es Salaam avait été encerclée par la police, avait été annoncée un peu plus tôt.
Le principal parti d'opposition - qui compte 20 députés au parlement, contre 365 au parti présidentiel Chama Cha Mapinduzi (CCM) - dénonce une répression croissante à son égard à quelques mois des élections locales de fin novembre, qui seront suivies l'an prochain d'élections présidentielle et législatives.
Le CCM est au pouvoir depuis l'indépendance de ce pays d'Afrique de l'Est en 1961.
Chadema accuse la présidente Samia Suluhu Hassan de revenir aux pratiques autoritaires de son prédécesseur John Magufuli, après avoir montré des signes d'ouverture démocratique à son arrivée au pouvoir en mars 2021, en rouvrant rapidement, par exemple, des médias interdits.
En janvier 2023, elle avait levé l'interdiction des rassemblements politiques d'opposition. Tundu Lissu était rentré dans les jours suivants de plus de cinq ans d'exil en Belgique.
- Inquiétude -
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Des ONG et pays occidentaux (Etats-Unis, UE, Grande-Bretagne, Norvège, Suisse...) se sont inquiétés ces derniers mois d'un durcissement du climat politique en Tanzanie.
En août, un rassemblement, déjà interdit par la police mais maintenu par Chadema, avait vu 520 dirigeants et sympathisants du parti, dont Freeman Mbowe et Tundu Lissu, arrêtés à travers le pays, puis libérés quelques jours plus tard.
Après le meurtre de M. Kibao, l'ambassade américaine en Tanzanie a notamment demandé "une enquête indépendante, transparente et rapide", estimant que "les meurtres et disparitions, ainsi que les détentions, passages à tabac et autres tentatives (...) visant à priver les citoyens de leurs droits civiques avant des élections, ne devraient pas avoir leur place dans une démocratie"
"Nous n'avons pas à recevoir des directives sur ce que nous devons faire dans notre propre pays", a rétorqué Samia Suluhu Hassan mardi dernier: "Nous avons une constitution, des lois, des directives, des coutumes et des traditions, tout cela nous guide sur ce que nous devons faire".
"Après le bon travail des réformes, nous ne tolérerons aucun acte qui provoquerait des troubles dans notre pays", a-t-elle lancé.
A.García--ESF