"Les Autrichiens d'abord": au bar du coin, avec les électeurs de l'extrême droite
"Priorité aux Autrichiens!" Comme de nombreux électeurs de l'extrême droite, Monika Skoff dénonce "tout l'argent dépensé pour les migrants", quand elle doit se serrer la ceinture pour changer la machine à laver.
"L'immigration, c'est le problème: après, il ne reste plus rien pour nous", s'indigne cette retraitée de 69 ans qui dit toucher 1.080 euros par mois, croisée dans l'un des bars du quartier pauvre de Simmering à Vienne, où le parti FPÖ est allé faire campagne.
L'AFP est partie à la rencontre de ceux qui font le choix de cette formation fondée par d'anciens nazis susceptible, pour la première fois, de se placer en tête des législatives de dimanche prochain. Elle attire particulièrement dans les zones rurales ou défavorisées des électeurs souvent peu diplômés, selon une récente étude, avec une audience qui se féminise.
Les étrangers trop nombreux: voilà la principale raison pour laquelle ils plébiscitent les idées de l'extrême droite. Mais c'est aussi un vote contre le système actuel, dont ils se voient comme les grands perdants.
Ancienne employée dans l'entretien de voitures et veuve d'un menuisier, Mme Skoff, cheveux clairs encadrant des traits marqués, donnait déjà sa voix à Jörg Haider, le tribun des années 1990 et 2000.
Pour elle, l'Autriche est tout simplement dans un état "catastrophique". Ne lui parlez pas du gouvernement sortant de coalition entre les conservateurs et les Verts: descendante de cheminots socialistes, elle l'abhorre.
Aussi parce qu'il a "mal géré le Covid", lance-t-elle, attablée dans une salle au décor rustique.
- Défense de la neutralité -
La question intéresse aussi Gero Stuller, 51 ans, qui travaille dans le domaine de la santé et aime ce bar parce qu'on y joue de l'Austropop, une musique autrichienne.
Mais ce fidèle partisan "depuis plus de 20 ans" est surtout en phase avec la philosophie libérale du FPÖ, "fondamentalement méritocratique" et opposée à "l'assistanat" conçu selon lui par "la gauche et la droite" qui se sont "partagés la République des décennies durant".
Avec le "déficit budgétaire très élevé" en Autriche, le "système social" est selon lui "en péril", estime cet élégant électeur à la mise très soignée, portant béret, gilet boutonné sous sa veste à carreaux et pochette de costume.
Là encore, l'immigration revient sur la table: M. Stuller appelle à distinguer les "vrais demandeurs d'asile" des "migrants économiques".
Et avance un élément nouveau dans cette campagne: le souci du maintien d'une authentique neutralité, alors que la Suède et la Finlande, entrées en même temps que l'Autriche dans l'Union européenne, ont rejoint l'Otan à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine.
"Venir en aide, oui", mais soutenir militairement, non: il faut rester non aligné "dans les bons comme dans les mauvais moments", estime-t-il, à l'image du FPÖ qui dénonce l'appui politique à Kiev affiché par le gouvernement.
- Le "pote" Kickl -
De toute façon, mieux vaut aider en bas de l'immeuble: voilà la devise d'Adriana Radovic, mère célibataire de 28 ans d'origine serbe qui travaille à temps partiel dans le troquet familial.
"Le parti s'intéresse vraiment à nous", dit-elle, tailleur bleu ajusté, en citant comme exemple une collecte de fonds organisée pour des habitants du quartier sinistrés d'un incendie.
Autre moteur du vote pour elle, la personnalité du chef du FPÖ Herbert Kickl, "à l'écoute" lors des événements organisés avec les sympathisants, "contrairement à d'autres politiciens".
Monika Skoff, elle aussi, aime beaucoup la personnalité de celui qu'elle considère presque comme "un pote", car il est accessible, se met au niveau "des choses du quotidien" et lui a adressé plusieurs fois la parole.
Gero Stuller, lui, est admiratif de sa rhétorique, le trouvant "crédible" pour tenir ses promesses. Il juge "infondées" les critiques de ses adversaires qui l'accusent d'être outrancier.
Quant aux affaires de corruption secouant régulièrement le FPÖ et ayant fait chuter les derniers ministres issus du parti, en 2019, elles sont tout aussi "inventées", "montées en épingle", balaie Mme Skoff.
A.M.Ruiz--ESF