Japon: qui pour succéder au Premier ministre Kishida ?
La succession du Premier ministre japonais Fumio Kishida se joue vendredi avec la très incertaine élection du nouveau chef du Parti Libéral-Démocrate (PLD) qui deviendra de facto le prochain chef de gouvernement.
Neuf candidats, dont deux femmes, se sont officiellement déclarés pour prendre la tête du PLD, la formation au pouvoir pratiquement sans discontinuer depuis 1945.
Selon le système politique nippon, le vainqueur de cette élection interne est assuré de succéder à M. Kishida, l'actuel Premier ministre devenu impopulaire et qui a renoncé à briguer un nouveau mandat à la tête du parti. Une décision qui l'oblige à abandonner la tête du gouvernement.
Ce changement de Premier ministre ne devrait cependant pas avoir de conséquences majeures sur la politique actuelle du Japon.
Le prochain Premier ministre, qui prendra officiellement ses fonction le 1er octobre, fera face aux mêmes problématiques internes d'un pays englué dans une économie qui peine à repartir et à la gestion des tensions internationales avec les très actifs voisins chinois et nord-coréens.
Les relations entre le Japon, allié des Etats-Unis, et la Chine connaissent régulièrement des périodes de tension, alimentées par des ambitions géopolitiques rivales, des querelles territoriales en mer de Chine orientale et de vives rancoeurs historiques.
Et les nombreux incidents militaires de ces derniers mois sont venus alourdir encore un peu les relations entre les deux pays. A l'image du récent et inédit passage d'un porte-avions chinois entre des îles japonaises auquel Tokyo a répliqué en faisant traverser pour la première fois aussi le détroit de Taïwan par l'un de ses navires de guerre.
- Election "imprévisible" -
"C'est l'élection du PLD la plus imprévisible depuis de nombreuses années", a expliqué à l'AFP Jeffrey J. Hall, professeur à l'Université d'études internationales de Kanda.
Toutefois, les sondages montrent que trois candidats semblent se détacher: la ministre de la Sécurité économique Sanae Takaichi, 63 ans, l'ancien ministre de la Défense Shigeru Ishiba, 67 ans, et l'ex-ministre de l'Environnement Shinjiro Koizumi, 43 ans.
Dans ce pays qui n'a jamais eu de femme à la tête de son gouvernement, Sanae Takaichi représente une aile très conservatrice du parti.
Ancienne protégée de l'ex-Premier ministre Shinzo Abe, assassiné en juillet 2022, elle est une nationaliste appréciée des conservateurs. Sa nomination pourrait irriter Pékin et Séoul.
Mais Naofumi Fujimura, professeur à l'École supérieure de droit de l'Université de Kobe, note que même si Takaichi a besoin du soutien des courants les plus à droite du PLD, elle pourrait être "plus centriste ou plus pragmatique" une fois aux affaires.
Shigeru Ishiba, l'ancien ministre de la Défense et de l'Agriculture, est populaire auprès des électeurs mais moins auprès des parlementaires du parti - dont les voix sont primordiales pour cette élection à deux tours. Pour preuve, il a déjà échoué à quatre reprises dans le cadre de cette même élection.
"Le mécontentement du public envers le PLD s'accroît, et la tendance est en faveur d'Ishiba et de son attitude jugée +juste et équitable+", a expliqué Yu Uchiyama, professeur de sciences politiques à l'Université de Tokyo.
Enfin, le benjamin des trois favoris est aussi le plus médiatisé, notamment pour ses positions sur les sujets sociétaux.
Ancien ministre de l'Environnement, Shinjiro Koizumi soutient les énergies renouvelables et a pris un congé de paternité lorsqu'il était ministre, insistant volontiers sur son rôle de père moderne.
- Scandales et inflation -
Parmi ces trois candidats en lice, M. Koizumi "incarne le mieux l'idée de rajeunissement et de changement pour le PLD", a déclaré auprès de l'AFP Yu Uchiyama.
M. Kishida, 67 ans et en poste depuis octobre 2021, a vu sa cote de popularité minée par l'inflation et par des scandales politico-financiers qui ont ébranlé le PLD.
Durant son mandat, le dirigeant a pris résolument parti pour l'Ukraine après l'invasion russe et s'est efforcé, avec le soutien des Etats-Unis, de renforcer la politique de défense japonaise face à l'affirmation de la Chine dans la région Asie-Pacifique.
Au classement de la longévité en poste des 35 Premiers ministres depuis la Seconde guerre mondiale, M. Kishida arrive en huitième position.
S.Delgado--ESF