Autriche: Herbert Kickl, le visage d'une extrême droite non dédiabolisée
Petites lunettes rondes et silhouette de marathonien: le nouveau visage de l'extrême droite en Autriche est très longtemps resté dans l'ombre, avant d'attirer les électeurs avec sa ligne dure sur la pandémie et la guerre en Ukraine.
Ni photogénique comme le pionnier Jörg Haider, ni tribun comme son prédécesseur Heinz-Christian Strache, Herbert Kickl, 55 ans et en tête des sondages des législatives de dimanche, a fait carrière à l'intérieur du puissant Parti autrichien de la Liberté (FPÖ), où il a longtemps joué le rôle d'éminence grise.
Député en 2006 puis ministre de l'Intérieur en 2017, il impose au premier rang sa barbe de trois jours en 2021, sur les cendres d'une formation laminée par un retentissement scandale de corruption.
- "Grossier" -
Pas d'excès d'alcool ou de drogue, pas de scandale côté vie privée: les électeurs plébiscitent son côté rangé et simple, qui contraste avec son langage, outrancier lorsqu'il tape sur ses adversaires.
Une élue verte dépeinte en "dominatrice SM", le président qualifié de "momie sénile": les meetings de cet ancien étudiant en philosophie et en histoire prennent des allures de café-théâtre où tout le monde est étrillé.
"Il est l'homme politique le plus grossier du pays", explique à l'AFP la journaliste Nina Horaczek, qui a analysé ses discours dans un livre paru cette année. "C'est une manière de discréditer ceux qui pensent différemment".
Herbert Kickl n'aime ni les débats ni les interviews. Et surtout pas ceux du service public, dont il dénonce le "manque d'objectivité". Il a décliné la demande d'entretien de l'AFP et préfère s'adresser directement à ses partisans sur les réseaux sociaux.
Quitte à multiplier les dérapages. Il y a un an, une vidéo de la section jeunesse du FPÖ condamnant le "remplacement des populations" et la "terreur arc-en-ciel" avait créé des remous. On y apercevait notamment le balcon d'où Hitler avait célébré l'annexion de l'Autriche au Troisième Reich en 1938.
Mais l'heure n'est pas à la "dédiabolisation": de 18% à son arrivée à la tête de la formation il y a trois ans, le parti est passé à 27% des intentions de vote et Herbert Kickl n'a jamais changé de ligne.
Après avoir pris un virage conspirationniste face aux restrictions anti-Covid, il s'est opposé à tout soutien à l'Ukraine au nom de la neutralité de l'Autriche.
Porté par la forte inflation, il joue la carte du "seul contre tous" et gagne. Au printemps, il a offert au FPÖ sa première victoire dans un scrutin national en recueillant 25,7% des voix aux élections européennes.
- "Volkskanzler" -
A la tête d'une formation fondée par d'anciens nazis, il est aussi connu pour utiliser des formules rappelant ses racines brunes. D'ailleurs il veut être "Volkskanzler", le "chancelier du peuple", un concept social-démocrate allemand récupéré par Adolf Hitler, même s'il de défend de toute référence nazie.
"C'est une provocation très ciblée qui vise deux objectifs", selon Nina Horaczek: "faire parler de soi et envoyer des signaux très clairs" à la frange la plus radicale.
Herbert Kickl n'a jamais fait mystère de sa proximité avec certains groupuscules décriés, partageant leur hostilité à l'islam et aux réfugiés.
Il a repris à son compte le terme de "remigration", avec comme projet de déchoir de leur nationalité et expulser des Autrichiens d'origine étrangère. Dès 2016, il s'affichait auprès d'identitaires, classés extrémistes dans le pays alpin.
Selon lui, "la politique prime sur le droit". En 2018, lorsqu'il était à l'Intérieur, il a ordonné une descente au service des renseignements et des documents sur les liens entre le FPÖ et les milieux extrémistes avaient été saisis.
Il est soupçonné par la justice d'avoir à cette période commandé des encarts publicitaires à un important groupe de presse "aux frais de l'Etat" pour s'assurer une "couverture favorable".
En 2023, il posait dans sa région d'origine , la Carinthie (sud), sur les affiches en tenue paramilitaire. Le slogan: "Autriche forteresse - frontières fermées, sécurité garantie".
Pour les législatives, il a enfilé un costume, mais n'a pas changé le slogan.
J.Suarez--ESF