Trudeau dénonce une "erreur monumentale" de l'Inde en pleine crise diplomatique
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a estimé lundi que l'Inde avait fait "une erreur monumentale" en décidant d'"attaquer les Canadiens" alors que New Delhi et Ottawa ont chacun expulsé leur ambassadeur et d'autres diplomates de haut rang.
Cette déclaration survient après l'annonce par la police fédérale canadienne de "l'implication d'agents du gouvernement de l'Inde dans des activités criminelles graves au Canada", notamment l'assassinat d'un dirigeant séparatiste sikh.
"Je crois que l'Inde a fait une erreur monumentale en choisissant d'utiliser leurs diplomates et le crime organisé pour attaquer les Canadiens", a dénoncé le Premier ministre canadien d'un ton solennel, qualifiant ces "actes de violence" et d'"homicides" d'"inacceptables".
"Nous ne tolérerons jamais qu'un gouvernement étranger menace et tue des citoyens canadiens sur le sol canadien, ce qui constitue une violation profondément inacceptable de la souveraineté du Canada et du droit international", a-t-il ajouté, soulignant le refus répété de New Delhi de coopérer.
La mort du citoyen canadien Hardeep Singh Nijjar, qui militait pour la création d'un Etat sikh indépendant dans le nord de l'Inde appelé le Khalistan, a envenimé les relations entre les deux pays, le Premier ministre canadien Justin Trudeau ayant déclaré qu'il y avait "des allégations crédibles" reliant les services secrets indiens à ce crime.
En réponse, le Canada a expulsé six diplomates indiens lundi, dont l'ambassadeur à Ottawa, soupçonnés d'être impliqués dans l'affaire Nijjar. L'Inde a rapidement réagi en "décidant d'expulser" le haut-commissaire par intérim d'Ottawa, son adjoint et quatre autres diplomates, leur ordonnant de quitter le pays avant minuit dimanche 20 octobre.
Une escalade majeure dans la crise diplomatique qui oppose les deux pays depuis plusieurs mois.
- "Eléments de preuve" -
"Nous n'avons pas confiance dans l'engagement du gouvernement canadien actuel à assurer leur sécurité", a de son côté fait valoir le ministère indien des Affaires étrangères, suggérant que les diplomates avaient été rappelés et non expulsés.
Il a aussi qualifié d'"absurdes" les accusations selon lesquelles l'Inde serait impliquée dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar, y voyant une "stratégie de diffamation de l'Inde à des fins politiques".
En parallèle, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé lundi détenir des "éléments de preuve" sur des cas d'"intimidation, harcèlement, extorsion et coercition" sur le territoire canadien.
Le commissaire de la GRC Mike Duheme soupçonne notamment des agents du gouvernement indien d'être liés à "des homicides et actes de violence", à des "activités clandestines telles que la collecte de renseignements" et à de "l'ingérence dans les processus démocratiques".
Ces révélations "commencent à peine à être connues du grand public, mais les Sikhs les vivent depuis les quatre dernières décennies", a déclaré Danish Singh, président de l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, saluant la décision du gouvernement canadien d'expulser les diplomates indiens.
Depuis l'assassinat de Hardeep Singh Nijjar en juin 2023, New Delhi et Ottawa se sont livrés à une surenchère dans les représailles diplomatiques.
L'année dernière, l'Inde a ainsi provisoirement restreint les visas pour les Canadiens et obligé le Canada à rapatrier certains de ses diplomates.
- "D'autres mesures en réponse" -
"L'Inde se réserve maintenant le droit de prendre d'autres mesures en réponse à ces derniers efforts du gouvernement canadien en vue de formuler des allégations contre les diplomates indiens", a mis en garde lundi son ministère des Affaires étrangères.
Hardeep Singh Nijjar, qui avait immigré au Canada en 1997 et en était citoyen depuis 2015, était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de "terrorisme" et de complot en vue de commettre un meurtre -- des accusations qu'il a rejetées. Il a été abattu devant le temple sikh qu'il dirigeait dans la banlieue de Vancouver.
En novembre 2023, le ministère américain de la Justice a de son côté accusé un citoyen indien, vivant en République tchèque, d'avoir planifié une tentative d'assassinat similaire aux Etats-Unis.
Les procureurs ont affirmé qu'un responsable du gouvernement indien était aussi impliqué dans cette affaire.
Quelque 770.000 Sikhs vivent au Canada, constituant 2% de la population, avec une minorité active réclamant la création d'un Etat indépendant du Khalistan.
A.Navarro--ESF