Choisir l'UE ou renouer avec Moscou, la Moldavie face à un vote décisif
La Moldavie vote dimanche pour élire son président et décider de poursuivre ou non son chemin européen, un double scrutin crucial pour l'avenir de cette ex-république soviétique sur fond de craintes d'ingérence russe.
La cheffe d'Etat sortante , qui a résolument tourné vers l'Union européenne son petit pays voisin de l'Ukraine en guerre, fait figure de favorite mais il devrait lui falloir un second tour, le 3 novembre, pour s'imposer, d'après les pronostics.
C'est surtout le référendum organisé en même temps qui sera donc scruté: les électeurs vont-ils approuver l'inscription dans la Constitution de l'objectif européen, présenté comme le seul rempart face à Moscou?
La Moldavie a déjà un pied dans l'UE avec l'ouverture officielle en juin de négociations d'adhésion et les sondages prédisent une victoire du "oui" à 55%.
"Je suis venue donner ma voix pour la prospérité, la paix et le bien-être de notre pays", a dit à l'AFP Olga Cernega, économiste de 60 ans, après avoir voté par une température glaciale dans la capitale Chisinau.
D'autres, comme ce juriste sexagénaire appelé Ghenadie qui a refusé de donner son nom de famille, s'inquiètent du tournant "occidental" de la Moldavie et jugent que le gouvernement actuel "a aggravé la situation", alors qu'une partie de la population a été appauvrie par une inflation record.
- "Notre destin" -
Les bureaux ont ouvert à 07H00 (04H00 GMT), des haut-parleurs diffusant l'hymne national. Les premiers résultats doivent être annoncés une heure après la fermeture, vers 22H00.
L'inconnue réside dans le taux de participation qui doit atteindre au minimum 33%, des partis prorusses ayant appelé au boycott du référendum dans l'espoir d'invalider le scrutin.
Corruption, stages commando, désinformation: la police a mené ces derniers mois 350 perquisitions et procédé à des centaines d'interpellations de suspects accusés de vouloir perturber le processus électoral pour le compte de Moscou.
Un système "sans précédent" d'achat de votes a été révélé, impliquant 150.000 Moldaves payés pour glisser des bulletins anti-Sandu et anti-UE dans l'urne, voire 300.000 en incluant leurs proches, selon les enquêteurs. Soit environ un quart des électeurs attendus dans le pays de 2,6 millions d'habitants.
"Ce vote va déterminer notre destin pour de nombreuses décennies", a déclaré Maia Sandu en votant en fin de matinée, invitant tous les citoyens, y compris l'importante diaspora, à se déplacer.
"C'est la volonté du peuple moldave" qui doit s'exprimer, "pas celle d'autres personnes, pas l'argent sale", a insisté la candidate à la frêle silhouette, créditée de près de 36% des intentions de vote.
Première femme à occuper, en 2020, les plus hautes fonctions dans cet Etat situé entre l'Otan et la sphère d'influence russe, cette économiste de 52 ans à la réputation d'incorruptible est devenue une personnalité européenne de premier plan.
- "Bande d'escrocs" -
Face à elle, pas de poids lourd mais une ribambelle de dix candidats, pour la plupart plus ou moins liés à Moscou derrière des discours de "neutralité". Certains s'exprimant en russe, en plus de la langue officielle qu'est le roumain.
Alexandr Stoianoglo, ex-procureur de 57 ans soutenu par les socialistes prorusses, pointe à 9%. Limogé par sa rivale, il appelle, l'allure sévère dans son costume, à "restaurer la justice" devant un pouvoir prêt selon l'opposition à brimer les droits.
Se disant favorable à "une politique étrangère équilibrée", renouant avec la Russie, il s'est abstenu de voter au référendum.
Renato Usatii, ancien maire de Balti, deuxième ville de Moldavie (6,4%), a aussi une carte à jouer. Drapeau moldave sur les épaules, l'homme de 45 ans se revendique "seul candidat à n'être contrôlé ni par l'Est ni par l'Ouest".
D'après le groupe de réflexion WatchDog, la Russie a dépensé une centaine de millions de dollars à l'approche du scrutin. Avec, à la manœuvre, l'oligarque Ilan Shor, réfugié à Moscou après une condamnation pour fraude.
"La Russie ne chôme pas, elle n'a jamais investi autant d'argent", commente pour l'AFP l'historien roumain Armand Gosu, spécialiste de la région.
"Alors que notre pays est à la croisée des chemins, une bande d'escrocs tente de tromper les gens", a averti le Premier ministre Dorin Recean, appelant les Moldaves à "la vigilance".
Le Kremlin a "catégoriquement" rejeté les accusations d'ingérence.
A.Fernández--ESF