Législatives au Japon: le parti au pouvoir perd sa majorité, même avec son allié
Le parti au pouvoir au Japon a perdu sa majorité à la chambre basse du Parlement lors de législatives dimanche, pour la première fois depuis 2009 selon des projections, un échec cuisant pour le nouveau Premier ministre japonais Shigeru Ishiba qui avait convoqué ce scrutin anticipé.
A l'issue d'une campagne où il a pâti d'une forte inflation au Japon et des retombées d'un scandale financier, le Parti libéral-démocrate (PLD) et son allié Komeito (centre-droit) sont même "certains de ne pas atteindre la majorité" à eux deux, a affirmé lundi la télévision publique NHK sur la base de projections de sortie des urnes.
Lors des dernières élections de 2021, le PLD avait remporté une majorité absolue, avec 259 sièges sur 465 à la chambre basse du Parlement. Komeito en avait 32.
Les deux alliés obtiendraient moins des 233 sièges nécessaires pour gouverner sans avoir à négocier avec d'autres partis, selon NHK.
- "Coopérer avec nous" -
Un tel résultat serait quasi-inédit dans l'histoire du PLD, qui a réussi à se maintenir au pouvoir presque sans interruption depuis 1955. La défaite s'annonce sévère pour Shigeru Ishiba, 67 ans, devenu Premier ministre le 1er octobre après avoir pris la tête du parti.
Il avait lui-même convoqué ces élections anticipées, espérant bénéficier d'un état de grâce pour consolider son pouvoir.
Les électeurs "ont nettement exprimé leur volonté de voir le PLD réfléchir (aux causes de sa défaite) et devenir un parti agissant en ligne avec la volonté du peuple", avait-il ajouté.
L'ambiance était morose pendant la soirée électorale au siège du PLD, les résultats venus du terrain montrant que des ministres étaient en passe d'être battus.
"Si nous ne parvenons pas à obtenir une majorité à cause de la sévérité du jugement du public, nous demanderons au plus grand nombre de gens possible de coopérer avec nous", a déclaré à des journalistes le responsables des élections du PLD, Shinjiro Koizumi.
Ce revers électoral pourrait affoler les marchés financiers, peu habitués à ce cas de figure, avertissent des analystes.
- Scandale financier -
Le PLD peine à tourner la page d'un scandale de "caisses noires", qui avait déjà contribué à l'impopularité du précédent Premier ministre, Fumio Kishida.
Shigeru Ishiba avait assuré samedi lors d'un meeting à Tokyo que son parti voulait "repartir sur de nouvelles bases en tant que parti équitable, juste et sincère".
Le dirigeant a promis aux électeurs "un nouveau Japon", espérant appliquer son programme de renforcement de la défense, de soutien accru aux ménages à faibles revenus et de revitalisation des campagnes japonaises.
Mais alors que M. Ishiba s'était engagé à ne pas soutenir la campagne des membres incriminés dans le scandale, le quotidien Asahi a rapporté que le PLD avait versé 20 millions de yens (122.000 euros) aux sections locales dirigées par ces responsables.
De quoi provoquer la fureur de l'opposition et la colère des électeurs, alors même que l'envolée persistante des prix, qui érode le pouvoir d'achat, alimente leur frustration.
Shigeru Ishiba est également critiqué pour avoir fait marche arrière sur plusieurs sujets depuis son élection, comme la possibilité pour un couple marié de ne pas porter le même nom de famille, ou une plus forte taxation des plus-values.
- Opposition divisée -
Shigeru Ishiba avait longtemps été un outsider au sein du PLD, n'hésitant pas à critiquer ses dirigeants et les dynasties politiques, ce qui lui assurait une certaine popularité - une image qui s'est rapidement écornée pendant la campagne.
Le Parti démocratique constitutionnel (PDC), principale force d'opposition, a nettement renforcé sa présence au Parlement selon la NHK.
Son dirigeant Yoshihiko Noda, Premier ministre pendant quinze mois en 2011-2012, a critiqué samedi "la politique du PLD consistant à mettre en oeuvre rapidement des mesures pour ceux qui leur donnent beaucoup d'argent".
"Une majorité de Japonais font confiance à M. Noda", "fondamentalement un conservateur très pragmatique" dont le positionnement "n'est pas si différent de celui du PLD", souligne Masato Kamikubo, professeur de sciences politiques à l'université Ritsumeikan.
Mais une victoire du PDC est "difficile car l'opposition est très divisée", tempère-t-il.
M.E. De La Fuente--ESF