Géorgie : la présidente, qui a dénoncé des fraudes électorales, rejette une convocation du parquet
La présidente Salomé Zourabichvili, qui a dénoncé des fraudes électorales aux législatives en Géorgie, a annoncé qu'elle ne se rendrait pas à une convocation du procureur pour détailler ses accusations, dans le cadre d'une enquête ouverte mercredi par le parquet.
En parallèle, un nouveau comptage des voix a été ordonné dans 14% des bureaux de vote, sélectionnés au hasard. Il est en cours depuis mardi midi, sans qu'on en connaisse les résultats pour l'instant.
Le parquet a annoncé dans un communiqué avoir "ouvert une enquête sur la falsification présumée des élections législatives" de samedi en Géorgie dont les résultats sont rejetés par l'opposition pro-européenne.
Il a précisé que la cheffe de l'Etat pro-européenne, en rupture avec le gouvernement, était "convoquée" pour jeudi, car il considère qu'elle "est susceptible de détenir des preuves concernant une éventuelle falsification des élections".
- Fin de non-recevoir -
"Je n'ai aucune intention de me rendre au bureau du procureur", a rétorqué dans la soirée Mme Zourabichvili, qui avait dénoncé un système "sophistiqué" de fraudes pendant ces législatives.
Selon les résultats officiels, elles ont été remportées par le Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012 dans cette ex-république soviétique caucasienne et accusé de dérive autoritaire prorusse par l'opposition.
Mais elles ont été entachées d'"irrégularités", affirme cette dernière ainsi que plusieurs chancelleries européennes.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a remercié le parquet d'avoir décidé d'entamer des investigations et a exprimé son soutien à "l'appel du chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, à enquêter sur toutes les violations" des règles électorales.
"Les élections ont été entièrement justes, libres, concurrentielles et propres", a-t-il toutefois insisté.
Pas de quoi convaincre la formation d'opposition Géorgie forte qui, dans un communiqué, a raillé une enquête "absurde" du "bureau du procureur contrôlé par la Russie" sur "une opération spéciale russe".
- Liberté "enlevée" -
Ces derniers jours, des observateurs internationaux ont émis des doutes sur la bonne tenue du scrutin. Bruxelles et le président américain Joe Biden ont explicitement demandé à Tbilissi d'ouvrir des enquêtes sur ces allégations d'"irrégularités électorales".
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déploré que la Russie soit, selon lui, le vrai vainqueur du scrutin. "Elle a enlevé la liberté" aux Géorgiens, a-t-il dénoncé dans un entretien publié mercredi.
Lundi, la cheffe de l'Etat géorgienne avait affirmé à l'AFP qu'un système de fraudes suivant "une méthodologie russe" avait permis au parti Rêve géorgien de l'emporter, notamment via le vote électronique, "des achats de voix" ou encore des "pressions" sur les électeurs.
Dans son ensemble, l'opposition, Mme Zourabichvili en tête, dénonce depuis samedi soir une élection "volée".
Le Kremlin a, quant à lui, rejeté des "accusations infondées" et réfuté toute ingérence de Moscou dans le processus électoral.
Puissance historique dans la région, la Russie possède des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes dont elle a reconnu l'indépendance : l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
- Tensions -
Voix discordante au sein de l'Union européenne, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche de Vladimir Poutine, avait de son côté félicité le Rêve géorgien pour sa victoire dans des élections "libres et démocratiques", au cours d'une visite controversée lundi et mardi à Tbilissi.
Ce soutien appuyé, le seul parmi les Vingt-Sept, a fait grincer des dents à Bruxelles, à un moment où la Hongrie assure la présidence tournante du Conseil de l'UE jusqu'à la fin d'année.
Le Rêve géorgien est accusé par ses opposants d'orienter le pays vers Moscou et de l'éloigner de l'objectif, inscrit dans la Constitution, de rejoindre l'UE et l'Otan.
Le gouvernement a notamment promulgué au printemps une loi "sur l'influence étrangère" directement inspirée d'une législation russe dont le Kremlin se sert pour écraser la société civile et l'opposition.
Dans la foulée, Bruxelles avait gelé le processus d'adhésion à l'UE en guise de protestation et les États-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens pour leur "répression brutale" pendant les manifestations qui avaient suivi.
Face aux nombreuses critiques, le Premier ministre géorgien a néanmoins promis lundi que la "principale priorité" de Tbilissi restait "l'intégration européenne".
Au cours de la campagne, son parti s'est présenté comme le seul capable d'éviter à la Géorgie le même sort que l'Ukraine, sur fond de rivalités russo-occidentales.
M.Aguado--ESF