RDC: le sort de Goma quasi scellé, Kinshasa sous tension après des attaques d'ambassades
Le sort de Goma, grande ville de l'est de la République démocratique du Congo, semble scellé mercredi: le M23 et l'armée rwandaise en occupent désormais la quasi totalité du centre et des faubourgs, alors que la crise s'est étendue à Kinshasa où plusieurs ambassades ont été attaquées.
Dans la capitale provinciale de plus d'un million d'habitants, les combats se sont étiolés mardi. Seuls les combattants du M23 et les forces rwandaises restent visibles, selon des journalistes de l'AFP, renforçant l'impression d'une chute imminente de la principale ville de cette région stratégique secouée depuis 30 ans par les violences entre groupes armés.
L'aéroport est tombé. Le siège du gouvernement provincial a été pris. Des soldats congolais ont fui, d'autres se sont prestement débarrassés de leur uniforme pour éviter la capture après seulement deux jours de siège de la ville, coincée entre le lac Kivu et la frontière du Rwanda.
Mercredi matin, la vie semble reprendre petit à petit dans certains quartiers. Les gens sortent de chez eux, des adultes et enfants se baignent dans le lac, malgré quelques détonations et rafales d'armes automatiques au loin, ont constaté des journalistes de l'AFP.
La veille, après trois jours cloîtrés chez eux, sans électricité à cause du déluge de feu observé dans plusieurs quartiers, les premiers habitants étaient prudemment sortis en quête d'eau et de nourriture, découvrant de nombreux cadavres gisant dans les rues.
Les combats ont fait plus de 100 morts et près d'un millier de blessés, selon un décompte de l'AFP établi mardi soir à partir des bilans des hôpitaux.
Les hauts responsables du M23 ("Mouvement du 23 mars") ont indiqué à la presse qu'ils s'exprimeraient mercredi, sans donner plus de précisions à ce stade.
Le Kenya a convoqué ce mercredi une réunion entre les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, mais elle n'était pas confirmée dans la matinée par les deux camps. Les initiatives diplomatiques lancées pour tenter de régler la crise n'ont jusqu'ici rien donné.
A la mi-décembre, une rencontre entre les deux dirigeants ennemis prévue à Luanda avait été annulée à la dernière minute. M. Tshisekedi était venu, mais pas M. Kagame.
Après l'échec de cette médiation angolaise, il n'aura fallu que quelques semaines au M23 et à ses alliés rwandais pour atteindre Goma, et y entrer dimanche soir.
Ils encerclaient déjà quasiment la ville depuis plusieurs jours, avec comme seules voies de sortie le lac Kivu au sud et la frontière rwandaise à l'est.
Mardi, la crise s'est soudain étendue à la capitale Kinshasa (ouest), située à l'autre bout de ce pays grand comme quatre fois la France.
Des manifestants en colère y ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda. Les ambassades de France, de Belgique et des Etats-Unis, des pays critiqués pour leur inaction dans cette crise, ont également été ciblées.
Les Etats-Unis ont appelé dans la soirée leurs ressortissants à quitter la RDC, tandis que l'Union européenne a jugé ces attaques "inacceptables".
- "Une fois pour toutes" -
Mercredi matin à Kinshasa, l'habituel bourdonnement dans les rues semble un ton en dessous, a-ton constaté. Un appel à une nouvelle marche pour protester contre la crise à Goma et l'inaction étrangère a été lancé mais les autorités ont suspendu les manifestations dans la capitale.
"Celui qui va se hasarder à manifester se fera arrêter", se rassure Pauline, une kinoise sur le chemin du travail.
L'ONU, les Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne ont appelé Kigali à retirer ses forces de la région et à la cessation des hostilités. L'Union africaine a appelé au "plein respect" de "l'intégrité territoriale de la RDC" sans toutefois mentionner le Rwanda.
Le président rwandais a lui salué cette "conversation productive", en évoquant sur X la "nécessité d'assurer un cessez-le-feu dans l'est de la RDC et de s'attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes".
Félix Tshisekedi ne s'est pas exprimé depuis le début de la crise. Son gouvernement a dénoncé une "déclaration de guerre du Rwanda" avec l'offensive sur Goma, et ajouté vouloir y "éviter le carnage". Kinshasa et Kigali ont coupé ces derniers jours toute relations diplomatiques en rappelant leurs diplomates respectifs.
Dix-sept soldats de la force régionale d'Afrique australe (SAMIRDC) et de la mission onusienne (Monusco), présentes dans la région en soutien à l'armée congolaise, ont été tués ces derniers jours dans des combats.
Les combats à Goma ont aussi aggravé une crise humanitaire chronique dans la région. Selon l'ONU, un demi-million de personnes ont été déplacées par les affrontements depuis début janvier.
Depuis fin 2021, le M23 et des troupes de l'armée rwandaise se sont emparés de vastes pans de territoire dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale, et y ont installé une administration parallèle.
Goma avait été brièvement occupée fin 2012 par le M23, né cette année-là et vaincu militairement l'année suivante.
Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller les nombreuses richesses naturelles de la région, alors que le Rwanda, qui dément, dénonce la présence côté congolais de groupes hostiles.
Mais la résurgence du M23 en 2021 a également été en partie causée par une rivalité entre le Rwanda et l'Ouganda autour des ressources de la région.
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F.Gomez--ESF