Nucléaire iranien: l'AIEA craint un "coup fatal" après le retrait de 27 caméras
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a dénoncé jeudi la décision de l'Iran de retirer 27 caméras de surveillance de ses activités nucléaires, craignant que ces mesures portent un "coup fatal" aux pourparlers sur le nucléaire iranien à Vienne.
L'Iran a informé l'AIEA du retrait des 27 caméras en riposte à l'adoption d'une résolution critiquant Téhéran, a annoncé jeudi l'instance onusienne.
Cette mesure "pose naturellement un sérieux défi à notre capacité à continuer à travailler là-bas", a déclaré son directeur général Rafael Grossi, lors d'une conférence de presse à Vienne.
L'AIEA vérifie et contrôle la mise en oeuvre des engagements pris par l'Iran dans le cadre de l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 à Vienne avec les grandes puissances.
Des pourparlers ont été lancés il y a un an dans la capitale autrichienne pour tenter de réintégrer les Etats-Unis à ce pacte dénoncé en 2018 par l'ex-président américain Donald Trump et de ramener l'Iran au respect intégral de ses engagements internationaux concernant son programme nucléaire.
Berlin, Londres et Paris ont appelé jeudi soir l'Iran "à mettre fin à l'escalade nucléaire" et "à accepter maintenant de toute urgence l'accord sur la table" depuis mars, selon une déclaration commune.
"Nous condamnons" la décision de Téhéran, affirment les trois pays dans cette déclaration transmise par le ministère allemand des Affaires étrangères. "Cela aggrave la situation et complique nos efforts pour rétablir pleinement" l'accord de 2015.
- "Provocations" -
Washington a également fait part de son inquiétude face aux "provocations" de Téhéran, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken mettant en garde contre "une crise nucléaire aggravée" et contre un "isolement économique et politique accru de l'Iran".
Téhéran avait annoncé mercredi avoir déconnecté certaines caméras, sans en préciser le nombre, juste avant le vote au Conseil des gouverneurs de l'AIEA d'une résolution rappelant formellement à l'ordre l'Iran pour son manque de coopération.
En cause, l'absence de réponses "techniquement crédibles" de l'Iran concernant des traces d'uranium enrichi précédemment trouvées sur trois sites que Téhéran n'avait pas déclarés comme ayant hébergé des activités nucléaires.
Condamnant ce texte présenté par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, l'Iran a déploré un geste "politique" et "pas constructif".
L'adoption de ce texte "ne fera qu'affaiblir le processus de coopération" avec l'AIEA, a prévenu le ministère iranien des Affaires étrangères.
Et le porte-parole de la diplomatie Saeed Khatibzadeh a défendu "le programme nucléaire pacifique, "le "plus transparent au monde", de son pays.
Outre la désactivation des caméras, l'Iran a informé l'AIEA de la mise en place de deux nouvelles cascades de centrifugeuses avancées sur le site de Natanz (centre), renforçant ainsi significativement sa capacité d'enrichissement d'uranium.
L'AIEA peut continuer les inspections et a encore 40 caméras sur place mais cette mesure de Téhéran aboutit à "moins de transparence, plus de doutes", a expliqué M. Grossi.
Il a appelé l'Iran à renouer le dialogue une fois "l'émotion retombée".
- "Nous ne reculerons pas" -
Jusqu'à présent, l'Iran avait pris soin d'éviter la confrontation avec l'AIEA mais cette fois, le président ultra-conservateur Ebrahim Raïssi a affiché sa fermeté.
"Nous ne reculerons pas", a-t-il dit, selon l'agence officielle Irna.
Si le blocage persiste, "dans trois ou quatre semaines" l'AIEA ne sera plus en mesure de fournir les informations nécessaires au suivi du programme nucléaire iranien, a affirmé de son côté M. Grossi.
Selon lui, ceci "porterait un coup fatal" à l'accord de 2015 prévoyant la limitation des activités nucléaires iraniennes en échange d'un allégement des sanctions internationales, moribond depuis le retrait en 2018 des Etats-Unis qui ont réimposé des mesures punitives à Téhéran.
Un an après, l'Iran a commencé à revenir sur ses engagements, franchissant au fil des mois des étapes inédites, tout en démentant vouloir se doter de la bombe atomique.
Ces nouveaux développements "vont certainement accroître la pression sur les négociations pour pousser à une décision dans un sens ou dans l'autre", a commenté pour l'AFP Eric Brewer, de l'institut de recherches américain Nuclear Threat Initiative (NTI).
Dans un Iran asphyxié par les sanctions économiques, des passants interrogés par l'AFP appelaient de leur côté les autorités à "coopérer avec l'AIEA".
Il faut agir "pour que les problèmes ne s'aggravent pas davantage encore et que le peuple vive en paix et dans la prospérité", confiait ainsi Ebrahim Ahmadpour, 60 ans, dans la capitale.
O.L.Jiminez--ESF