Royaume-Uni: ultimes recours pour bloquer l'expulsion de migrants vers le Rwanda
A la veille des premiers départs prévus, la justice britannique examine lundi des recours de dernière minute contre le projet controversé du gouvernement d'envoyer au Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.
Malgré les critiques des défenseurs des droits humains, de l'ONU, de l'Eglise anglicane et même de la famille royale britannique, le gouvernement conservateur de Boris Johnson se montre déterminé avec ce projet à décourager les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d'augmenter malgré ses promesses répétées depuis le Brexit.
Alors qu'un premier vol est prévu mardi, un premier recours déposé en urgence par des associations de défense des réfugiés a été rejeté vendredi par la justice. Les plaignants, dont les associations Care4Calais et Detention Action, ont cependant interjeté appel, lequel sera entendu lundi.
La Haute Cour doit aussi examiner dans la journée un autre recours, intenté par l'association d'aide aux réfugiés Asylum Aid.
Quel que soit le résultat, les recours individuels ont déjà conduit à une réduction significative de l'ampleur de la mesure.
"Vingt personnes ont vu leur ticket vers le Rwanda être annulé mais 11 doivent toujours partir demain" dont des Iraniens, des Irakiens, des Albanais et un Syrien, a tweeté Care4Calais, appelant la justice à "stopper ce projet cruel et barbare".
En envoyant des demandeurs d'asile à plus de 6.000 kilomètres de Londres, ce qui rappelle la politique menée par l'Australie, le gouvernement compte dissuader les arrivées clandestines dans le pays, toujours plus nombreuses.
Depuis le début de l'année, plus de 10.000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse considérable par rapport aux années précédentes, déjà record.
"Les groupes criminels qui mettent la vie des gens en danger dans la Manche doivent comprendre que leur modèle économique va s'effondrer sous ce gouvernement", a martelé lundi Boris Johnson sur la radio LBC.
Parmi ceux qui contestent le projet en justice figure le syndicat de la fonction publique PCS, qui compte dans ses membres des agents des douanes censés mettre en oeuvre les expulsions.
Soulignant que la Haute Cour prévoit d'examiner en détail la légalité du plan gouvernemental en juillet, le secrétaire général du PCS, Mark Serwotka, a déclaré dimanche sur SkyNews: "imaginez qu'on vous dise de faire quelque chose mardi, qui en juillet est jugé illégal. Ce serait une situation épouvantable".
- Critiques de l'ONU -
L'ambassadeur du Rwanda au Royaume-Uni, Johnston Busingye, a dit dans les colonnes du Daily Telegraph être "déçu" que les critiques du projet doutent de la capacité de Kigali à fournir "un refuge sûr" aux demandeurs d'asile.
En vertu de cet accord, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (144 millions d'euros). Le gouvernement rwandais a précisé qu'il proposerait aux migrants la possibilité "de s'installer de manière permanente au Rwanda s'ils le souhaitent".
L'ONU a vivement condamné cette stratégie, dénonçant un risque de "préjudice grave et irréparable" pour les migrants.
L'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch a elle aussi exprimé son opposition au projet.
Londres "cherche à rejeter entièrement ses responsabilités en matière d'asile sur un autre pays, allant à l'encontre de l'objet et du but de la Convention de Genève de 1951, allant à l'encontre de ses engagements et menaçant le régime international de protection des réfugiés", a dénoncé HRW dans une lettre ouverte samedi.
Alimentant la polémique, le prince Charles, héritier du trône, a jugé en privé "consternant" le projet du gouvernement, a rapporté samedi le quotidien The Times, alors qu'il doit participer à une réunion du Commonwealth à partir du 20 juin au Rwanda.
A Kigali, le prince Charles et Boris Johnson doivent rencontrer le président Paul Kagame, lequel dirige le Rwanda depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait 800.000 morts selon l'ONU. Son gouvernement est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d'expression, les critiques et l'opposition politique.
L.Cabrera--ESF