Meurtres en Amazonie: les restes du journaliste britannique identifiés
Aucun doute ne subsiste : les restes humains découverts en Amazonie sur indication d'un suspect sont bien ceux du journaliste britannique Dom Phillips, tué avec l'expert brésilien Bruno Pereira lors d'une expédition en Amazonie, a annoncé vendredi la Police fédérale du Brésil.
"Cette confirmation a été possible grâce à un examen odontologique" des prélèvements qui ont été analysés dans un laboratoire à Brasilia, a indiqué la police dans un communiqué.
"Les travaux d’identification complète se poursuivent, pour mieux comprendre la cause des décès, la dynamique du crime et la dissimulation des cadavres", a-t-elle ajouté.
Deux suspects ont été arrêtés à ce jour, mais la police a fait savoir vendredi soir, dans un nouveau communiqué, qu'un "mandat d'arrêt" avait été lancé contre un troisième homme, Jeferson da Silva Lima, "non localisé à ce jour".
Plus tôt dans la journée, les policiers ont indiqué que les éléments dont ils disposaient à ce stade de l'enquête laissaient penser "que les tueurs ont agi seuls, sans commanditaire, sans une organisation criminelle à l'origine des meurtres".
L'Union des peuples indigènes de la Vallée de Javari (Univaja), dont des membres ont activement participé aux recherches, a réfuté la version policière.
"Il n'y a pas seulement deux tueurs, mais un groupe organisé qui a planifié le crime dans ses moindres détails", a affirmé l'Univaja dans un communiqué.
Dom Phillips, 57 ans, collaborateur de longue date du journal The Guardian, et Bruno Pereira, 41 ans, expert reconnu des peuples indigènes, étaient en Amazonie dans le cadre d'un livre sur la préservation de l'environnement.
Il ont été vus pour la dernière fois le 5 juin, alors qu'ils prenait un bateau vers Atalaia do Norte (nord-ouest), dans la Vallée de Javari, zone réputée dangereuse où se déploient de multiples trafics de drogue, de pêche ou d'orpaillage illégal.
- Sécurité -
L'Univaja assure avoir envoyé aux autorités un rapport dans lequel elle expliquait que "Pelado" était impliqué dans des activités de pêche illégale.
Ce pêcheur de 41 ans avait par ailleurs été "accusé d'être l'auteur d'attentats à l'arme à feu en 2018 et 2019 contre une base de la Funai", l'agence gouvernementale brésilienne pour les affaires indigènes, dans cette même ville d'Atalaia do Norte.
L'Univaja évoque "une puissante organisation criminelle qui a tenté à tout prix d'effacer ses traces au cours de l'enquête" sur le double meurtre, rappelant que Bruno Pereira, qui a longtemps travaillé à la Funai, avait déjà fait l'objet de "menaces de mort".
Selon plusieurs experts, la pêche illégale d'espèces menacées dans la Vallée de Javari est, le plus souvent, sous le contrôle de narcotrafiquants qui utilisent la vente de poissons pour blanchir de l'argent de la drogue.
"Nous exigeons la continuation et l'approfondissement des investigations", a insisté l'Univaja.
La Vallée du Javari, deuxième plus grande réserve indigène du Brésil, où vivent 26 peuples autochtones, est une région difficile d'accès, au cœur de la forêt amazonienne, à la triple frontière entre Brésil, Pérou et Colombie, où l'Etat a très peu d'emprise.
De nombreux membres des forces de sécurité ont quitté les lieux après que les restes des victimes ont été retrouvés.
Après ce départ, les indigènes ayant participé aux recherches disent désormais craindre pour leur vie. "Nous allons continuer à vivre ici, et l'État ne va pas leur assurer la moindre sécurité", a déploré auprès de l'AFP Paulo Marubo, coordinateur de l'Univaja, qui a dit avoir reçu des menaces.
Le double meurtre de Dom Phillips et Bruno Pereira a provoqué une vague d'indignation dans le monde, avec de vives critiques envers le président d'extrême droite Jair Bolsonaro accusé de favoriser la déforestation et d'encourager l'exploitation des ressources en Amazonie depuis son arrivée au pouvoir en 2019.
Les Etats-Unis ont exhorté vendredi à ce que les responsabilités soient établies dans le meurtre des deux hommes, "assassinés pour leur soutien à la préservation de la forêt tropicale et des populations autochtones".
L'ONU avait dénoncé la veille un "acte brutal" et "effroyable".
M.E.Molina--ESF