La Colombie vote pour un nouveau président de rupture
La Colombie vote dimanche pour choisir son nouveau président entre l'opposant de gauche Gustavo Petro ou l'homme d'affaires indépendant Rodolfo Hernandez, deux candidats qui promettent, chacun à leur manière, un "nouveau chemin" pour un pays un crise.
"Nous allons élire un bon président différent de ceux d'avant": à l'image de Marcos Bermont, retraité votant à Bogota, les électeurs colombiens se rendaient en nombre aux urnes dimanche matin en exprimant une nouvelle fois leur soif de changement, a constaté l'AFP.
Présidentielle de "rupture", "journée historique", "grand changement" annoncé pour une élection "au finish"..., résumait la presse nationale, alors que les derniers sondages publiés donnaient les deux candidats à quasi-égalité au terme d'une campagne à l'atmosphère exécrable.
Le vote se terminera à 16H00 (21H00 GMT), avec les résultats attendus dans la soirée, communiqués par le Registre national, en charge de l'organisation du scrutin.
- "Surveiller la fraude" -
Dans le centre de Bogota, beaucoup de monde étaient présents dès le petit matin pour voter, comme au collège Marco Antonio Carreno, sous la surveillance d'une dizaine de policiers, et où les opérations se déroulaient normalement.
"Je veux un changement. Peut-être que nous n'aurons pas de messie mais c'est mieux de venir voter", commente Maria Diaz, administratrice de 42 ans.
"Je suis venu voter pour changer les choses. Je ne pense pas que celui qui gagnera aujourd'hui sera bon, mais ce sera quand même un changement", juge Valentina Rios, 19 ans.
L'hypothèse d'un résultat trop serré a inquiété ces derniers jours, faisant craindre de possibles débordements, ainsi que des accusations de fraude, alors que M. Petro a exprimé ses doutes sur le logiciel servant pour le décompte après des erreurs en sa défaveur aux législatives de mars.
"Les sondages nous placent loin devant l'autre candidat,(...) Il ne reste plus qu'à surveiller la fraude", a affirmé de nouveau dimanche matin le sénateur de gauche via Twitter.
"En démocratie, seul compte le bulletin de vote. N'insistez pas pour créer une atmosphère de fraude basée sur des ragots", a risposté M. Hernandez, qui a voté au petit matin, tout sourire et vêtu de son habituel polo à manche longue, dans son fief de Bucaramanga (nord).
Dimanche soir, , ex-guérillero reconverti à la social-démocratie et ancien maire de Bogota pourrait devenir le premier président de gauche de la Colombie.
Ou la direction du pays pourrait être confiée à l'inclassable millionnaire , ex-maire d'une grande ville du nord, qualifié surprise qui a mis la droite hors-course au premier tour en promettant d'en finir avec les "voleurs" et la "bureaucratie".
M. Petro, 62 ans, était arrivé largement en tête du premier tour le 29 mai, avec 40% contre 28% à M. Hernandez, 77 ans, et une participation de 55%. A eux deux, ils ont défait les élites conservatrices et libérales qui monopolisent le pouvoir depuis deux siècles.
Le magnat de l'immobilier a cependant reçu immédiatement le soutien de la droite traditionnelle et sa figure tutélaire, l'ex-président Alvaro Uribe (2002-2010).
- "Toujours en avant" -
Ces trois dernières semaines de campagne "poubelle" -selon l'expression de la presse- ont été marquées par les invectives, accusations en tout genre, désinformation, espionnage... avec une course à l'échalote des deux camps pour se montrer le plus "proche des gens", via les réseaux sociaux.
"Toujours en avant, pas un pas en arrière! (...) Il est l'heure d'élire un homme à votre image qui veut simplement en finir avec la corruption et faire avancer la Colombie", a commenté M. Hernandez sur Twitter dimanche matin, promettant, selon sa formule, de "ne pas voler, ne pas mentir, ne pas trahir".
"Voulons nous continuer à reculer, suivre la voie du passé, ou avancer ensemble?", a plaidé de son côté Petro, dans une ultime adresse diffusée samedi sur les réseaux. "Il ne s'agit pas de Petro ou Hernandez, il s'agit de choisir un changement véritable et réél en faveur de la vie. Le choix est entre vos mains".
L'élection se déroule dans un contexte de crise profonde, après la pandémie, une sévère récession, des manifestations antigouvernementales durement réprimées, et une aggravation de la violence des groupes armés qui sévissent dans les campagnes.
Malgré la soif de changement, les deux candidats inquiètent. Hormis quelques mesures emblèmatiques, Hernandez est resté vague sur son programme, et ne compte quasiment aucun représentant au Congrès, ce qui interroge sur sa capacité à gouverner. Petro suscite toujours le rejet d'une partie de l'électorat, qui l'associe à la vieille extrême-gauche latino-américaine, aux guérillas marxistes actives dans le pays. Il inquiète également chez les entrepreneurs et certains secteurs économiques.
La "Colombie se choisit aujourd'hui un nouveau chemin avec deux candidats aux trajectoires dimétralement opposées", mais qui tous deux, "tendent au populisme", a pointé le journal El Espectador. Ceci alors que "la tâche la plus urgente" du vainqueur "sera de réunifier" un pays particulièrement polarisé, a souligné l'autre grand quotidien El Tiempo.
V.Duran--ESF