L'UE se penche sur la candidature de Kiev, les Russes avancent dans l'Est ukrainien
L'Union européenne devrait entériner jeudi à Bruxelles la candidature de l'Ukraine, une étape hautement symbolique près de quatre mois après l'invasion lancée par l'armée russe, qui continue d'avancer dans l'est à coups de bombardements destructeurs.
Le sommet de l'UE, consacré à l'octroi du statut de candidat à l'Ukraine et à sa voisine la Moldavie, "est un moment historique sur le plan géopolitique", a jugé jeudi le président du Conseil européen Charles Michel.
"Un choix doit être fait aujourd’hui qui va engager le futur de l’Union européenne, notre stabilité, notre sécurité, notre prospérité", a-t-il ajouté.
"Nous attendons le feu vert", a déclaré en echo jeudi matin le chef de l'administration présidentielle ukrainienne Andriï Yermak, rappelant que "l'objectif clair est l'adhésion à part entière à l'UE", même si cette procédure peut prendre des années.
Sauf surprise, Kiev devrait obtenir jeudi le statut de candidat: l'exécutif européen a rendu il y a quelques jours un avis favorable sur la candidature de l'Ukraine et mardi, la France, qui assure la présidence tournante du Conseil de l'UE, a indiqué qu'un "consensus total" entre les Vingt-Sept avait émergé sur cette question.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui ne cesse de répéter l'appartenance de son pays à la "famille européenne", poursuivait jeudi son "marathon téléphonique" auprès des dirigeants européens pour s'assurer du consensus en faveur du oui.
Il peut compter sur le soutien de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a appelé les dirigeants européens à "se montrer à la hauteur" en accédant à la demande de Kiev.
Ce scénario, inimaginable encore récemment, s'est imposé aux Vingt-Sept avec la guerre menée par la Russie depuis près de 4 mois. Mais le processus d'adhésion à l'UE reste ensuite très long pour tout pays candidat.
Bloqués depuis des années dans l'antichambre de l'UE, les pays des Balkans occidentaux déjà candidats à l'adhésion n'ont pas caché leur amertume en le rappelant jeudi.
S'il estime "c'est une bonne chose de donner le statut" à l'Ukraine, le Premier ministre albanais, Edi Rama, a conseillé jeudi aux Ukrainiens de ne "pas se faire d'illusions".
"La Macédoine du Nord est candidate depuis 17 ans, si je n'ai pas perdu le compte, et l'Albanie depuis huit ans, alors bienvenue à l'Ukraine", a-t-il ironisé à son arrivée à Bruxelles.
- Avancées russes -
Sur le plan militaire, les forces ukrainiennes continuent de céder du terrain dans le Donbass, notamment autour des villes jumelles stratégiques de Lyssytchansk et Severodonetsk, leur dernière poche de résistance dans la région de Lougansk.
Bombardée par les Russes depuis des semaines, Severodonetsk est une étape clé dans leur plan de conquête de l'intégralité du Donbass, bassin de l'est de l'Ukraine en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.
Les Russes "multiplient les offensives pour encercler nos troupes", a indiqué jeudi matin sur Telegram Serguiï Gaïdaï, le gouverneur régional, admettant que l'ennemi avait conquis Loskutivka et Rai-Oleksandrivka, deux localités situées à quelques kilomètres de Lyssytchansk, et attaqué Syrotyne, aux portes de Severodonetsk.
La résistance ukrainienne à Lyssytchansk et Severodonetsk est "futile", a affirmé jeudi un représentant des séparatistes prorusses.
"Au rythme où vont nos soldats, très bientôt tout le territoire de la république populaire de Lougansk sera libéré", a dit à l'AFP le lieutenant-colonel Andreï Marotchko, joint par appel vidéo.
"Ils veulent détruire tout le Donbass, pas à pas. Entièrement. Lyssytchansk, Sloviansk, Kramatorsk... Ils veulent transformer toutes les villes en Marioupol", ville martyre de la guerre, a déclaré le président Zelensky dans la nuit de mercredi à jeudi.
Plus au nord, à Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, tenue par les Ukrainiens et bombardée quotidiennement, les rues semblaient vidées de leurs habitants mercredi, selon une équipe de l'AFP.
"Tellement de gens sont partis. Il ne reste plus que des mamies", témoigne Roman Pohuliay, 19 ans, sweat rose Hello Kitty et diamant à l'oreille, dans une rue de cette ville située à 50 km de la frontière russe.
L'armée russe continue par ailleurs de bombarder la région de Mykolaïv (sud), où elle a annoncé jeudi avoir notamment détruit 49 réservoirs de carburant et trois centres de réparation de blindés.
Mercredi, deux terminaux de stockage de grains avaient été touchés par des bombardements russes dans la même région, selon leurs opérateurs.
- "Dévastatrices" -
Selon l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), les forces russes ont vraisemblablement repris la rive orientale de la rivière Inhoulets, située entre Mykolaïv, toujours tenue par les Ukrainiens, et Kherson, plus à l'est, occupée par les Russes.
Les ports de Mykolaïv et d'Odessa sont bloqués depuis le début du conflit, ce qui paralyse le transport maritime des matières premières agricoles, principale voie d'exportation pour l'Ukraine jusque-là.
Or un blocage prolongé pourrait avoir des conséquences gravissimes sur l'alimentation dans de nombreux pays qui dépendent du grenier à céréales ukrainien et des engrais russes.
"Cette crise est urgente et doit être réglée d'ici un mois, faute de quoi les conséquences pourraient être dévastatrices", a déclaré jeudi la cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss lors d'une visite à Ankara, accusant le président russe Vladimir Poutine d'"utiliser la faim comme une arme" dans ce conflit.
La crise alimentaire mondiale déclenchée par la guerre en Ukraine va faire des millions de victimes en rendant de larges populations plus vulnérables aux maladies infectieuses, au risque de déclencher une nouvelle crise sanitaire, a averti jeudi le responsable du Fonds mondial, organisation qui lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.
Le sommet européen de jeudi à Bruxelles doit être suivi d'un autre du G7 et d'un troisième de l'Otan, auxquels participera le président américain Joe Biden. La question de l'aide financière à Kiev devrait être au coeur des discussions de ces trois rencontres.
Le sommet du G7 en fin de semaine en Allemagne débouchera sur "un ensemble de propositions concrètes pour augmenter la pression sur la Russie et montrer notre soutien collectif à l'Ukraine", a promis mercredi un haut responsable de la Maison Blanche.
La Maison Blanche a souligné que Volodymyr Zelensky interviendrait, virtuellement, lors de ces deux rendez-vous.
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A.Barbero--ESF