L'Equateur va baisser le prix des carburants pour tenter d'éteindre les manifestations
Le président de l'Equateur, Guillermo Lasso, menacé de destitution au Parlement, a annoncé une baisse du prix des carburants dans l'espoir de mettre fin aux manifestations indigènes contre le coût de la vie qui entrent lundi dans leur troisième semaine et mettent en péril la production pétrolière dans le pays andin.
Tard dimanche soir, les parlementaires ont à nouveau suspendu, après sept heures de discussions par téléconférence, leur débat ouvert samedi sur une éventuelle destitution. Ils le poursuivront mardi à 11H00 (16H00 GMT).
"J'ai décidé de réduire le prix de l'essence de 10 cents (de dollar) par gallon (3,78 litres) et le prix du diesel également de 10 cents par gallon", a déclaré dimanche en soirée M. Lasso, un ex-banquier au pouvoir depuis mai 2021, dans une allocution radio-télévisée.
Ces baisses, qui porteront le prix du diesel à 1,80 dollar (1,7 euro) et de l'essence à 2,45 dollars (2,30 euros), sont toutefois moindre que celles réclamées par des milliers d'indigènes qui, depuis le 13 juin, manifestent, bloquent des routes ou occupent des puits de pétrole dans les provinces amazoniennes.
La puissante confédération des nationalités indigènes (Conaie), fer de lance des manifestations, exigeait -30 et -35 cents à respectivement 1,50 et 2,10 dollars. En moins d'un an, le diesel a grimpé de 90% (à 1,90 dollar) et l'essence de 46% (à 2,55 dollars).
Quito, où sont rassemblés quelque 10.000 manifestants indigènes selon la police sur quelque 14.000 estimés dans le pays, est au coeur du mouvement qui touche 19 des 24 provinces du pays.
- L'économie frappée -
Cinq manifestants sont morts dans des violences avec les forces de l'ordre dans le pays, selon une ONG. Plus de 500 personnes, civils ou membres des forces de l'ordre, ont été blessées.
La crise frappe l'économie du pays déjà affectée par la pandémie et étroitement dépendante des recettes du pétrole, premier produit d'exportation.
"La production de pétrole est à un niveau critique" et pourrait cesser d'ici 48 heures si la situation perdure, avec "le vandalisme, la saisie des puits et la fermeture des routes", a averti dimanche le ministère de l'Energie. La production, réduite selon lui à 50% de la normale, était d'environ 520.000 barils/jour avant les manifestations.
Le ministre de la Production Julio José Prado a évalué les pertes économiques à 500 millions de dollars au total (473,5 millions d'euros).
A l'Assemblée nationale --Parlement monocaméral--, au moins vingt députés doivent encore s'exprimer dans le débat sur la destitution du président, ouvert samedi soir à la demande de députés soutenant l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017).
Le soir-même, M. Lasso avait mis fin à l'état d'urgence décrété une semaine auparavant dans six des 24 provinces du pays les plus touchées par les manifestations dont Pinchincha qui a Quito pour capitale. L'AFP a toutefois pu constater que le centre de Quito restait sous bonne garde des forces de l'ordre.
Une première tentative de dialogue entre responsables du mouvement indigène et plusieurs ministres du gouvernement s'était parallèlement esquissée sous les auspices du président du Parlement Virgilio Saquicela.
- "Grave crise" -
Au Parlement, l'opposition, majoritaire mais divisée, rend le président, un ex-banquier, responsable de la "grave crise politique" qui secoue le pays.
Après les débats, les députés auront 72 heures pour voter. Une majorité de 92 voix sur 137 est nécessaire pour que la procédure de destitution soit adoptée.
Dimanche a été calme, sans cortège dans les rues de la Quito, où les manifestants sont restés se reposer notamment dans un centre culturel indigène et deux universités qu'ils occupent.
Durant la journée, le chef de la Conaie, Leonidas Iza, a promis la poursuite des manifestations devant quelques-uns de ses partisans dans le parc Arbolito à Quito.
"Demain nous allons nous réunir pour continuer à nous battre dans les rues, aujourd'hui nous allons nous réorganiser", a-t-il lancé, dans son habituel poncho rouge et chapeau de feutre noir sur la tête.
Dimanche soir, M. Lasso a renouvelé l'appel au "dialogue", avertissant toutefois "ceux qui cherchent le chaos, la violence et le terrorisme (qu'ils) trouveront la pleine force de la loi". Vendredi, il avait accusé les manifestants de vouloir "perpétrer un coup d'Etat".
Des mobilisations du mouvement indigène ont provoqué la chute de trois présidents entre 1997 et 2005.
Depuis Rome, le pape François a appelé au calme dimanche en Equateur, encourageant "toutes les parties à abandonner la violence et les positions extrémistes".
F.González--ESF