A l'Assemblée, Borne appelle à "bâtir ensemble" des compromis, les oppositions disent leur "défiance"
La Première ministre Élisabeth Borne a appelé mercredi à "bâtir ensemble" des "compromis" pour répondre aux défis économiques ou climatiques lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée, sans convaincre les oppositions qui ont exprimé leur "défiance" et fustigé un discours creux.
"Nous mesurons tous l’ampleur de la tâche: les Français à protéger, la République à défendre, notre pays à rassembler, la planète à préserver", a énuméré Mme Borne en ouverture d'un discours de 01H25 régulièrement interrompu sur les bancs de la gauche, qui avait peu auparavant déposé une motion de censure.
Tout en défendant le bilan du premier quinquennat Macron, la Première ministre a assuré avoir entendu "le message" des électeurs qui ont privé le camp présidentiel d'une majorité absolue lors des législatives. "Par le résultat des urnes, ils nous demandent d'agir et d’agir autrement", a dit Mme Borne, qui va poursuivre son grand oral au Sénat à 21H00.
"Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur toutes les solutions. Mais nous avons toutes et tous conscience de l'urgence et de la nécessité d’agir", a-t-elle dit. "Les Français nous demandent de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble", a-t-elle insisté.
Face au risque de blocage à l'Assemblée, la Première ministre a martelé que "le désordre et l'instabilité ne sont pas des options", déplorant que la vie politique ait été "trop longtemps (...) faite que de blocs qui s'affrontent".
Rejetant tout statut de "femme providentielle", elle a assuré, souvent avec le sourire, ne pas être une "femme de grandes phrases et de petits mots", qui ont, selon elle, nourri "les postures, la défiance et la crise de notre démocratie".
Parsemant son allocution de références à ses prédécesseurs à Matignon, Mme Borne a aussi invoqué sous de vifs applaudissements la mémoire de grandes figures féminines à qui "la République a ouvert la voie".
Sur le fond, la Première ministre a affirmé que le projet de loi pour le pouvoir d'achat, qui sera présenté jeudi en Conseil des ministres, comporterait des mesures "concrètes, rapides, efficaces" contre l'inflation et pour aider "les plus vulnérables".
- Appel à réformer les retraites -
Sur le climat, Mme Borne a plaidé pour des "réponses radicales" tout en rejetant la voie de "la décroissance" et aussi annoncé son intention de renationaliser à 100% EDF, actuellement détenu à 84% par l’État, affirmant que "la transition énergétique passe par le nucléaire".
Défendant une triple responsabilité (environnementale, budgétaire et fiscale), la Première ministre a appelé à mettre en œuvre des "solutions structurantes" pour l'hôpital et a également abordé le dossier explosif des retraites, mis en sommeil depuis la claque reçue par le camp présidentiel lors des dernières législatives.
"Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite. Elle ne sera pas uniforme et devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité", a déclaré Mme Borne, avant de réaffirmer la volonté de l'exécutif de relever l'âge de départ à la retraite, chiffon rouge pour la gauche.
"Oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps", a-t-elle assuré sans donner plus de précisions, déclenchant une bronca à gauche.
Abordant le "combat de la sécurité", angle d'attaque récurrent de la droite et l'extrême droite, la Première ministre a promis la "fermeté" et apporté son soutien aux forces de l'ordre. "Honte à ceux qui attaquent systématiquement nos policiers", a-t-elle lancé, dans une allusion transparente au leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui avait accusé la police de "tuer".
- Fuite -
L'appel au compromis de Mme Borne n'a pas semblé convaincre les principaux chefs de file de l'opposition, qui ont pris la suite de la Première ministre à la tribune de l'Assemblée, contestant parfois sa légitimité.
Son maintien à Matignon après les législatives relève de la "provocation politique", a clamé Marine Le Pen, ovationnée par les 88 autres députés du RN. "Le président fait comme s’il ne s’était rien passé" après les élections législatives, pourtant "c’est le retour du politique qui lui saute au visage".
Si les principes du parti d'extrême droite sont pris en compte, Mme Le Pen a toutefois ajouté que des "voies de passage" sont envisageables sur certains textes.
Très offensive, la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, a, elle, accusé Élisabeth Borne d'avoir opté pour la "stratégie du sauve qui peut" en renonçant à se soumettre au vote de confiance des députés qui, selon elle, "s'imposait".
"Vous avez choisi la fuite (...) Votre stratégie désormais c'est +sauve qui peut+. Et vous êtes prêts à tout. Jamais de compromis mais toutes les compromissions", a lancé Mme Panot, accusant de nouveau la majorité d'avoir pactisé avec le RN lors du vote sur les postes-clés à l'Assemblée.
Plus conciliant, son homologue LR Olivier Marleix a assuré que son groupe ne se livrerait à aucune "compromission" avec l'exécutif et refuserait la "petite soupe" politicienne mais qu'il resterait ouvert à un soutien sur certains textes.
Peu avant le début du discours, les députés de la coalition de gauche de la Nupes avaient, comme annoncé la veille, déposé une motion de censure qui ne sera pas examinée avant vendredi et n'a quasiment aucune chance d'être adoptée : le RN et LR ayant d'ores ont déjà affirmé qu'ils ne s'y associeront pas.
A.Barbero--ESF