A Bagdad, les partisans de Sadr commencent à se retirer sur ordre de leur chef
Les partisans du leader chiite Moqtada Sadr ont commencé à se retirer mardi de la Zone Verte à Bagdad après un rappel à l'ordre de leur chef qui a fustigé leur recours aux armes contre les forces de sécurité, des combats qui ont fait 23 morts en 24 heures.
L'armée a aussitôt annoncé la levée du couvre-feu décrété la veille dans l'ensemble du pays riche en pétrole mais accablé par une grave crise socio-économique doublée d'une impasse politique depuis les élections législatives d'octobre 2021.
Aussitôt après l'annonce la veille de l'influent Moqtada Sadr de son "retrait" de la vie politique dont il est pourtant un acteur incontournable, des milliers de ses partisans ont envahi le siège du gouvernement dans la Zone Verte.
Des combats ont ensuite éclaté entre sadristes et partisans du Cadre de coordination, alliance rivale de Moqtada Sadr qui regroupe des groupes pro-Iran dont celui du Hachd al-Chaabi.
"Si tous les membres du Courant sadriste ne se retirent pas dans les 60 minutes de partout (à Bagdad), même du sit-in (devant le Parlement), je les désavouerai", a lancé sur un ton ferme Moqtada Sadr lors d'une conférence de presse dans son fief de Najaf (centre).
"Je présente mes excuses au peuple irakien, seul affecté par les événements", a ajouté Moqtada Sadr, dont l'influence n'a d'égale que l'imprévisibilité.
Après son appel, ses partisans ont commencé à quitter la Zone Verte, où siègent les institutions gouvernementales et des ambassades occidentales, a constaté l'AFP.
Et les armes se sont tues.
Les partisans du clerc chiite empruntaient surtout le pont de la République qui enjambe le Tigre pour rentrer chez eux. Ces dernières semaines, "Moqtada Sadr avait dit au peuple de soutenir la révolution, mais personne n'est venu! Le peuple dort", s'est emporté l'un d'eux auprès de l'AFP, en souhaitant rester anonyme.
- Impasse -
Les combats entre d'un côté les Brigades de la paix, une faction armée aux ordres de Moqtada Sadr, et de l'autre les forces de l'ordre et le Hachd al-Chaabi, d'ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières de l'autre, avaient repris le matin après une nuit relativement calme. Armes lourdes et roquettes RPG ont été utilisées.
Selon un dernier bilan fourni par une source médicale, au moins 23 partisans de Moqtada Sadr ont été tués par balles depuis lundi et 380 personnes blessées dans la Zone Verte. Des funérailles ont été organisées à Najaf.
Le Cadre de coordination avait condamné l'"attaque contre les institutions de l'Etat" tout en appelant au "dialogue".
Les Etats-Unis, pays influent en Irak où ils déploient des soldats, l'ONU et la France ont appelé, eux, à la retenue.
L'Irak est plongé dans l'impasse politique depuis les élections législatives d'octobre 2021 remportées par Moqtada Sadr, les barons de la politique ayant été incapables de s'accorder sur le nom d'un nouveau Premier ministre. Et le pays n'a donc ni nouveau gouvernement ni nouveau président depuis le scrutin.
Pour sortir de la crise, Moqtada Sadr et le Cadre de coordination s'accordent sur un point: il faut de nouvelles élections. Mais si Moqtada Sadr insiste pour dissoudre le Parlement avant tout, ses rivaux veulent d'abord la formation d'un gouvernement.
- "Définitif" -
Ces dernières semaines, le leader chiite irakien n'a cessé de faire monter les enchères car il sait qu'il peut compter sur l'appui d'une très large frange de la communauté chiite, majoritaire en Irak.
Depuis un mois, ses partisans campent aux abords du Parlement dans la Zone verte et ont même bloqué brièvement l'accès à la plus haute instance judiciaire du pays à Bagdad.
Mardi il a de nouveau confirmé son retrait de la vie politique lors de sa conférence de presse. "Mon retrait est définitif", a-t-il dit.
Arrivé premier aux législatives avec 73 sièges (sur 329) mais incapable de former une majorité, il avait fait démissionner ses députés en juin, affirmant vouloir "réformer" le système et en finir avec la "corruption".
Moqtada Sadr entretient des relations en dents de scie avec l'Iran chiite qui exerce une forte influence chez son voisin irakien. C'est là-bas qu'il vit la plupart du temps, mais balance souvent d'une ligne pro-iranienne à la défense d'une position clairement nationaliste.
F.González--ESF