Présidentielle: Pécresse sur la défensive, Taubira lâchée
Valérie Pécresse s'est défendue lundi de cautionner la théorie complotiste du "grand remplacement", pilier du programme de son rival d'extrême droite Eric Zemmour, tandis qu'à gauche Christiane Taubira a perdu l'un de ses principaux soutiens pour la présidentielle.
A 55 jours de la présidentielle, la candidate LR n'était pas la seule à se retrouver sur la défensive, l'écologiste Yannick Jadot étant pris à partie à droite comme à gauche pour avoir qualifié dimanche Eric Zemmour de "juif de service pour les antisémites".
Interrogé sur RMC lundi, le candidat n'a pas réitéré ce propos tout en affirmant qu'il "y a toute une partie de la population qui a trouvé en Zemmour quelqu'un de bien pratique pour assumer l'antisémitisme, il est l'idiot utile de l'antisémitisme".
Pour Mme Pécresse, cela devait être le grand meeting de la relance, pour lui permettre de distancer ses adversaires d'extrême droite et se positionner pour le second tour.
Mais au lendemain du grand rassemblement parisien, la candidate LR, qui a reçu lundi le soutien de l'ancien Premier ministre Edouard Balladur, a été obligée de reconnaître qu'elle était, sur la forme, davantage une "faiseuse" qu'une grande oratrice.
Sur le fond, elle s'est défendue sur RTL de reprendre à son compte le "grand remplacement", thèse complotiste arguant que les élites organiseraient le remplacement des populations européennes par des immigrés extra-européens.
Forgée par l'écrivain d'extrême droite Renaud Camus, cette théorie a été médiatisée par Eric Zemmour (Reconquête!), qui en a fait un des piliers de sa campagne avec le "grand déclassement".
Valérie Pécresse "a commis une faute stratégique majeure en empruntant la sémantique et les idées d'Eric Zemmour. Elle a créé une forme de permis de voter" Zemmour pour les électeurs de droite, a estimé Guillaume Peltier, ex-LR et porte-parole de l'ancien polémiste.
- "Rubicon franchi" -
La gauche a elle vu dans les propos de la candidate de droite, actuellement au coude-à-coude dans les sondages avec M. Zemmour et un peu derrière Mme Le Pen, davantage qu'un glissement sémantique.
Pour la candidate socialiste Anne Hidalgo, "c'est un Rubicon de plus qui est franchi par la droite".
Le patron du PS, Olivier Faure, s'est aussi dit "sidéré" de voir une candidate "qui se dit républicaine reprendre les mots et les concepts de l'extrême droite".
Même constat pour Christiane Taubira: "le bloc d'extrême droite comprend désormais trois candidats. Il est aux portes du pouvoir".
Pour le politologue Jérôme Jaffré, la candidate des Républicains "est prise en tenaille" entre deux puissants rivaux d'extrême droite qui, à eux deux, représentent près d'un tiers des intentions de vote, selon les enquêtes d'opinion.
Dans le camp de M. Zemmour, l'heure était justement à la fête ce lundi pour le 100.000e adhérent revendiqué de son parti "Reconquête!".
Le candidat a remis symboliquement sa carte à Corinne Marchand, une ancienne LR proche de Guillaume Peltier.
M. Zemmour peut également se targuer du ralliement de l'unique sénateur du RN Stéphane Ravier, figure du parti en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Et l'eurodéputé RN Nicolas Bay envisagerait à son tour plus fermement de rejoindre M. Zemmour, qui se déplace samedi sur sa terre d'élection, en Normandie, où M. Bay est conseiller régional, selon une source proche.
- Taubira lâchée -
A gauche, une famille politique très divisée et ne représentant selon les enquêtes d'opinion qu'un quart des intentions de vote, rien ne va plus pour l'ancienne Garde des Sceaux.
Tirant la leçon de l'échec des tentatives de rassemblement, l'un de ses principaux soutiens, le président du Parti radical de gauche (PRG), Guillaume Lacroix, a annoncé lundi que son parti se mettait "en retrait" de la candidature de Christiane Taubira, qui navigue entre 3 et 5% dans les sondages.
"Mon parti politique est allé au bout de sa démarche" et "se met en retrait", a-t-il déclaré au QG du parti, actant "que plus rien ne pourra se passer du côté des partis et des candidats de gauche".
Il a dans le même temps dit "libérer" les élus du PRG de toute consigne concernant les parrainages d'élus, alors que Mme Taubira n'en a reçu pour l'instant que 47, loin des 500 nécessaires.
Le Conseil constitutionnel publiera mardi une nouvelle liste des parrainages.
De son côté, M. Faure a renouvelé son soutien à Mme Hidalgo engagé "dans un combat difficile", malgré des sondages en berne (entre 1,5 et 3%).
La socialiste achevait lundi une visite aux Antilles. Elle est la seule candidate de gauche à avoir à ce jour dépassé les 500 parrainages nécessaires pour se présenter, mais reste loin derrière le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon dans les intentions de vote.
U.Alonso--ESF