Des amputés ukrainiens réapprennent à marcher grâce à des prothèses allemandes
Vitaliy Saiko, un ex-soldat qui a perdu ses jambes pendant la guerre en Ukraine, compare ses nouveaux membres confectionnés par un prothésiste de Berlin à une voiture de sport.
"C'est un travail personnalisé. C'est comme construire une Lamborghini, tout est assemblé selon le souhait du client", décrit à l'AFP l'Ukrainien de 42 ans.
Avec ses prothèses flambant neuves, il est l'un des premiers patients à bénéficier d'un programme allemand de soins destiné aux amputés ukrainiens.
Depuis le début de l'invasion russe, des dizaines de milliers de personnes ont disparu et bien plus ont vu leur vie bouleversée par de graves blessures.
Et en Ukraine, il est souvent difficile de mener à bien les amputations, estimées à plus de 20.000 depuis février 2022 par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en mai.
"Ici (en Allemagne), on a d'avantage de connaissances pour pouvoir fabriquer une prothèse unique", assure Janine Von Wolfersdorff de l'organisation Life Bridge Ukraine, responsable de cette initiative.
Life Bridge Ukraine a pour l'instant évacué presque 40 amputés jusqu'en Allemagne et accueille six personnes en formation, qui rentreront ensuite en Ukraine pour mettre à profit leurs nouvelles compétences.
- "Sensation étrange" -
Marcher avec les prothèses procure "une sensation étrange", avoue Vitaliy, mais l'ancien soldat se dit satisfait.
"Avant, je ne pouvais pas du tout marcher, j'étais bloqué dans une chaise roulante", raconte l'ancien soldat, qui a enduré plus de 15 opérations et des mois de rééducation depuis la perte de ses jambes l'an dernier.
Maintenant, Vitaliy se sent "à nouveau entier", trois mois après son arrivée à Berlin: "on avait coupé mes ailes, mais maintenant elles ont repoussé".
Ses nouveaux membres - une paire d'élégantes tiges métalliques chaussées dans des baskets noires - ont été spécialement conçus pour lui au centre médical Seeger de Berlin.
Mais le vétéran est encore gêné par son ancienne opération. Aujourd'hui, trop peu de chair recouvre les os de sa jambe, ce qui est aussi le cas d'autres amputés.
Faites à la va-vite, parfois directement sur le front, les amputations en Ukraine ne préparent pas toujours "de manière optimale" le moignon à la pose d'une prothèse, indique Michael Köhler du centre Seeger.
"Nous devons donc créer un support confortable pour accueillir ces os" à l'intérieur de la prothèse, décrit le spécialiste.
A son atelier dans le sud de Berlin, il transmet son expertise à des Ukrainiens venus pour se former, comme Anastasiia Tkach.
Kinésithérapeute de formation, elle apprend à tester des prothèses à partir de faux moignons moulés dans du plâtre.
"Vitaliy est mon premier patient ukrainien ici... c'est assez excitant", témoigne la jeune femme de 23 ans.
- Offre "catastrophique" -
"Tant que la guerre continue, nous n'arrêterons pas d'amener des patients ici (à Berlin)", promet Janine von Wolfersdorff de Life Bridge Ukraine.
Après la première phase, quelques blessés sévères "occasionnels" seront encore évacués en Allemagne, et de nouveaux apprentis continueront d'affluer dans la capitale.
En revanche, Berlin doit progressivement laisser la main à un nouveau centre de prothèses à Kiev, soutenu par le programme.
Dans un premier temps, Life Bridge Ukraine lui fournira l'équipement et les matériaux nécessaires.
Le nouveau centre prendra ses quartiers sous-terre, dans la cave d'un des hôpitaux de Kiev, car la capitale demeure sous le feu des missiles russes.
Ainsi, le centre "pourra fonctionner même en cas d'alerte de raid aérien", promet Janine von Wolfersdorff.
Actuellement, l'offre de prothèses en Ukraine est "catastrophique", assure Vitaliy, qui a passé neuf mois de rééducation dans son pays. "On a effectivement besoin d'aide", appuie-t-il.
Avec ses nouvelles jambes, l'ancien soldat peut facilement monter un escalier, tenir en équilibre sur une planche ou même conduire un vélo - même s'il est en nage après l'effort.
Quand il rentrera chez lui, il veut "être utile sur le front d'une autre manière".
"J'aurai beaucoup de travail. On peut toujours trouver quelque chose à faire à l'arrière", espère-t-il.
S.Martinez--ESF