Sur la route des Jeux: Camille Lecointre, Jérémie Mion et l'art de bien communiquer en 470
Tous deux ex-champions du monde, Camille Lecointre et Jérémie Mion viseront l'or aux JO-2024 en 470, discipline désormais mixte. Jusqu'aux Jeux de Paris, la barreuse originaire du Havre et son équipier racontent leur parcours à l'AFP.
Dans ce septième épisode, ils racontent la communication sur leur petit bateau, entre souci d'efficacité, bruits extérieurs et nécessité de garder la tête froide quand le cap choisi n'est pas le bon.
. Top secret
Camille Lecointre: "Ce qui se dit sur le bateau ? C'est top secret (rires) ! En fait, ça n'arrête pas de communiquer. On échange plein d'informations, il y a plein de décisions à prendre. Récemment, un coach a écouté nos enregistrements et on a vu qu'on parlait une seconde sur deux. Il y a 50% de blanc et 50% de paroles. Ca fait quand même beaucoup. Et puis il y a les bruits extérieurs. Selon les conditions de vent et de mer, parfois on s'entend moins facilement. Il y a aussi des décisions super rapides à prendre, on n'a pas forcément le temps de tout expliquer. Mais il y a des rôles bien définis, pour que ça se passe bien."
. Répartir la parole
Jérémie Mion: "On a une répartition des tâches. Au près (vent de face, ndlr), c'est moi qui vais +tactiquer+ parce que Camille est plus prise par la conduite du bateau. Vent arrière, ça sera le contraire. Pour tout ce qui est communication, on essaie d'optimiser. On fait des enregistrements, on réécoute. Ca tourne plutôt bien chez nous. La parole est bien répartie, le volume, les infos partagées... Je pense que c'est un de nos points forts et c'est un élément hyper important en équipage parce qu'il faut réagir vite. Avec le temps, certaines choses deviennent implicites, on a moins besoin de se le dire, on sait que ça se passe comme ça. Mais d'entrée on s'est compris assez vite avec +Cam+ parce qu'on a la même culture, on a eu les mêmes coachs."
Lecointre: "Les gens qui écoutent les enregistrements peuvent être surpris, parce que rien ne transparait. Qu'on soit premiers ou derniers, c'est le même ton, il n'y a pas d'éclats de voix, pas de joie avant l'heure."
. "Tracer, tracer, tracer..."
Mion: "Ce qui pourrait arriver de pire, c'est qu'on pète un câble. Et là, la communication est inutile parce que tu ne parles plus de performance. Donc quand tu es mal, il faut faire comme si tu étais devant, parce que ce n'est pas fini. Quand on a pris un départ horrible à la medal-race du test-event en juillet, on ne s'est pas dit +merde, tu fais chier, pourquoi tu as fait ça, pourquoi tu n'as pas fait ci...+. On s'est dit +on dégage de là, on revire et on fait ce qu'on peut+. On s'est surtout dit qu'il fallait tracer, tracer, tracer... En tous cas, on est restés sur des discussions sur la vitesse, sur comment aller plus vite. Ce qu'on a mal fait, on en a parlé plus tard.
Parfois, bien sûr que ça n'est pas simple, parce que l'enjeu et les émotions peuvent prendre le dessus. Mais notre expérience nous aide aussi avec Camille. C'est ce qui fait aussi qu'on gagne le test-event après avoir été BFD (disqualifiés pour départ anticipé, ndlr) à la première régate. Quand tu es jeune, un truc comme ça tu penses que c'est la fin du monde. Alors qu'en fait, ça peut passer, parce que les autres vont faire des erreurs aussi. Mentalement, il faut être capable de te dire que tu ne lâcheras rien jusqu'au bout. Notre devoir, c'est de ne jamais rien lâcher."
Propos recueillis par Stanislas TOUCHOT
U.Alonso--ESF