Près du front en Ukraine, l'entraînement de deux jumelles pour les JO de Paris
Les sirènes d'alerte aérienne retentissent alors que les nageuses artistiques Maryna et Vladyslava Aleksiïva se reposent lors de leur seul jour de congé à Kharkiv en Ukraine. Leur programme d'entraînement rigoureux doit les mener jusqu'aux JO de Paris.
Les soeurs jumelles sont les vedettes de l'équipe ukrainienne, médaillée olympique, qui est retournée dans cette grande ville du nord-est pour s'entraîner, malgré la proximité du front et les bombardements réguliers.
Après l'invasion russe, l'équipe a déménagé en Italie, puis à Kiev, avant de revenir dans la deuxième ville d'Ukraine, où la situation est plus tendue que dans la capitale mais où habitent leurs proches et leurs amis.
"Parfois, pendant les alertes aériennes, nous sommes un peu inquiètes de ce qui se passe", admet Vladyslava. "On sent que c'est la guerre", explique-t-elle à l'AFP.
"Il y a eu beaucoup de bombardements l'hiver de l'année dernière. Nous verrons ce qu'il en sera. Mais pour l'instant, nous restons à Kharkiv", poursuit Vladyslava.
Un dimanche récent, le seul jour où elles ne s'entraînent pas, les jumelles de 22 ans ont pris un café avec le mari de Vladyslava, Kyrylo, âgé de 23 ans. Ils se sont ensuite rendus à l'appartement de Maryna.
Vladyslava, qui s'est mariée en février, vit dans l'immeuble voisin. Chez Maryna, sur une table, une collection de médailles est exposée, notamment le bronze de son équipe aux JO de Tokyo.
- "Peu importe la guerre" -
"C'est vraiment le moment le plus important de notre vie", souligne Vladyslava, assise avec sa soeur en tailleur sur le canapé.
"Peu importe la guerre", ajoute Maryna, les deux soeurs finissant chacune les phrases de l'autre.
Leur équipe espère se qualifier pour les Jeux olympiques qui auront lieu dans moins de neuf mois, dans la discipline réservée aux femmes, anciennement connue sous le nom de natation synchronisée.
Leur piscine d'entraînement à Kharkiv a été endommagée en septembre par un missile russe et les vitres des fenêtres soufflées n'ont pas encore été remplacées.
Il n'y a pas non plus de générateur en cas de coupure du chauffage central, mais la piscine elle-même est restée intacte.
"L'eau est chaude", affirme Maryna. "On peut s'entraîner aussi longtemps qu'on le souhaite", ajoute Vladyslava.
"Il n'y a personne. C'est pour cela que notre entraîneur aime beaucoup cet endroit", conclut Maryna, alors qu'une sirène d'alerte aérienne retentit entre ses phrases.
"C'est habituel. Chaque jour, il y en a peut-être cinq ou six. La nuit aussi," dit Maryna calmement.
Parfois, pendant l'entraînement, elles ont entendu des explosions et ont dû "courir au sous-sol dans des maillots de bain mouillés".
- "Loterie" -
L'entraîneuse de l'équipe ukrainienne depuis plus de vingt ans, Svitlana Saïdova, est originaire de Kharkiv. Elle avait quitté la ville après le début de la guerre, mais est revenue depuis.
Une photo d'enfance dans la cuisine de Maryna montre Svitlana avec un groupe de jeunes nageuses. Les jumelles posent au premier rang, serrant des médailles.
Les soeurs Aleksiïva ont commencé à pratiquer ce sport lorsqu'elles étaient enfants, sous la houlette d'une entraîneuse locale, Maryna Krykounova, qui conçoit aujourd'hui pour elles des maillots de bain.
"Lorsqu'elles sont entrées dans la piscine et que je les ai vues, j'étais sûre qu'elles seraient de futures stars, parce qu'elles étaient grandes pour leur âge, minces, avec une belle posture, une belle forme et de longues jambes", se souvient-elle.
Le Comité international olympique n'a pas encore pris de décision définitive sur la question de savoir si les Russes pourront participer aux JO de Paris.
"Nous n'avons pas rencontré l'équipe nationale russe depuis le début de la guerre et nous espérons que nous ne la reverrons pas", tranche Maryna.
Mais il y a une autre chose qui les inquiète aussi en vue de la compétition.
La natation artistique s'est dotée d'un nouveau système de notation censé promouvoir une plus grande objectivité, moins axé sur la performance artistique et plus sur les réalisations techniques.
Pour Maryna Krykounova, c'est une "loterie".
"Cela semble très peu artistique et maladroit", assène Maryna Aleksiïva, disant craindre que les moins bonnes équipes ne l'emportent.
"Nous devons faire tout ce qui est possible et impossible pour que les juges réagissent à tous les éléments que nous avons inclus dans notre programme, afin que tout soit parfait", souligne pour sa part Vladyslava. "Nous ferons tout notre possible pour y parvenir".
A.Abascal--ESF