Transat Jacques-Vabre: Yoann Richomme, l'habitué des avant-postes
Tout juste arrivé, déjà redouté. Le navigateur Yoann Richomme (Paprec-Arkéa), l’un des derniers arrivés dans la classe Imoca, bouscule déjà la hiérarchie sur la 16e Transat Jacques-Vabre, grâce à son sens marin hors du commun et à une bonne dose d'audace.
"C'est quelqu’un de très talentueux qui est aussi très travailleur, un dur au mal, capable de faire beaucoup pour arriver à ses fins", décrit Yann Eliès, co-skipper de Richomme depuis le début de l'année et trois fois vainqueur de la Solitaire du Figaro.
"Avant de naviguer ensemble, on se connaissait très peu avec Yoann, mais c'est le genre de proposition qui ne se refusait pas", avance Eliès, dont le palmarès dans l'univers de la course au large est pourtant long comme le bras.
Richomme a 40 ans, Eliès 49 ans et les deux hommes pointaient vendredi à la mi-journée à la 3e place de la flotte en direction de Fort-de-France, malgré l'inexpérience du premier en Imoca.
"C'est un saut dans l’inconnu. (Sur une Jacques-Vabre) tout se joue dans les premiers jours, il y a la sortie de Manche, le Golfe de Gascogne, on doit souvent traverser des fronts... Il va falloir s'arracher", avait avancé Richomme peu avant le départ.
- Nouveau bateau -
Le marin, né à Fréjus, visait "un top 5" pour sa première grande course à bord d'un voilier du Vendée Globe. Il a passé, sans encombre, la sortie de Manche au sein du trio de tête, et il approchait ce weekend de Madère avec sérénité.
"On arrive à bien se reposer, le moral est au beau fixe", a-t-il résumé après ses premiers jours de navigation. Pour la plupart des prétendants à la victoire, ce marin barbu aux larges épaules et au verbe clair faisait figure d'épouvantail avant le départ.
Il a pourtant débarqué tout récemment dans le grand bain des Imoca.
Son monocoque Paprec-Arkéa, fruit de plus de 35.000 heures de travail et de 16 mois de conception et de construction à Vannes (Morbihan), a été dessiné par le célèbre ingénieur naval Antoine Koch et mis à l'eau tardivement, en février 2023.
Mais ce tandem marin-voilier n'a pas tardé à s'illustrer. Deuxième cet été de la Fastnet Race pour une première sortie, Paprec Arkéa "fait déjà partie projets les plus performants de la flotte", estime l'un des cadors en Imoca, Charlie Dalin, forfait de dernière minute pour la Route du Café.
Sur les pontons en Bretagne, personne n'est vraiment surpris de voir ce faux nouveau venu jouer aux avant-postes dès ses premières régates dans un voilier de 18 mètres.
- Phénomène -
"Il n’a jamais eu des moyens énormes, mais une de ses qualités, c’est de savoir planifier les choses et de s’adapter", a raconté l'un de ses concurrents en Imoca Damien Seguin (Apicil), au média spécialisé Tip and Shaft.
Dans les classes où il a fait ses armes, le Varois est habitué à dynamiter les courses à grand renfort d'options audacieuses.
"En matière de défaut, peut-être qu’il peut prendre parfois des options un peu extrêmes en course... Mais c’est aussi ce qui lui a permis d’en gagner autant", estime Eliès.
Richomme compte deux victoires sur la Solitaire du Figaro (2016, 2019). En Class 40 (monocoque de 12 mètres), il est invaincu sur la prestigieuse Route du Rhum, grâce à des succès en 2018 et 2022.
"Je peux me réveiller la nuit pour regarder un tuto si un sujet me taraude", dit simplement Richomme, architecte naval de formation, pour expliquer ses succès.
Etait-il un peu lassé de gagner dans des classes moins médiatisées pour partir à l'assaut de l'Everest des mers en 2024 ? "Jamais, répond l'intéressé, mais un Vendée Globe ? Je ne pouvais rêver d'un meilleur projet."
Et la concurrence peut désormais trembler.
S.Lopez--ESF