Cyprien Sarrazin, nouvelle sensation du ski français
Avec un doublé exceptionnel sur la piste mythique de Kitzbühel, le skieur français Cyprien Sarrazin s'impose comme l'une des grandes révélations de l'hiver en vitesse, réussissant enfin à dompter son côté "tête brûlée" qui lui a longtemps joué des tours.
"Quand j'ai commencé à être bien dans ma vie, sur les skis il n'y a même plus eu besoin de travailler", expliquait mercredi le skieur des Hautes-Alpes, trois jours avant de réaliser l'impensable sur la piste autrichienne.
Des propos qui faisaient écho à ceux tenus après sa première victoire de la saison à Bormio (Italie) fin décembre: "Je suis enfin moi à 29 ans, je me suis trouvé en tant qu'homme et ça se voit sur les skis".
Né en 1994 à Gap, Cyprien Sarrazin s'est longtemps cherché depuis ses débuts sur le circuit mondial en 2016, avant de trouver sa voie la saison dernière sur les épreuves de vitesse.
C'est sur les pentes du Dévoluy, au côté de son père moniteur, que "Cyp" apprend à skier. Très vite, son adolescence est marquée par quelques victoires mais surtout par des blessures à répétition dont il garde un tibia toujours incliné.
Quand il débarque en Coupe du monde à 22 ans, il remporte à la surprise générale le géant parallèle d'Alta Badia (Italie), sa septième course seulement sur le circuit mondial.
- Longues convalescences -
Mais les saisons suivantes sont marquées par de graves blessures. En janvier 2018, il chute à l'entraînement à Garmisch-Partenkirchen (Allemagne), ce qui lui vaut un traumatisme crânien sévère.
La convalescence est pénible. "Il fallait zéro écran, il ne fallait pas que je lise, il fallait que je fasse 10 jours sans téléphone, sans rien du tout", expliquait-il à l'AFP en octobre 2018.
Onze mois plus tard, il renfile quelques dossards mais une fracture au genou droit l'écarte une nouvelle fois des pistes pour le reste de l'hiver. De retour fin 2019, il décroche une magnifique 2e place sur le géant d'Alta Badia mais ne parviendra jamais à confirmer ce coup d'éclat.
Alors, à l'entame de la saison 2022-2023, le skieur du Dévoluy prend la décision qui changera sa carrière: le virage vers les épreuves de vitesse.
"Depuis que je suis tout petit j'ai cette fibre là, cet instinct de vitesse", racontait-il à l'AFP en janvier 2023. "J'adore la vitesse, le goût du risque", avait ajouté Sarrazin, également grand amateur de VTT.
Apprécié par ses coéquipiers comme par ses adversaires, "Crazy Cyp" marque vite les esprits avec ses prises de risques extrêmes qui lui valent quelques sorties de piste spectaculaires et une réputation de tête brûlée.
Les résultats sont là: il prend une belle 6e place à la descente de Val Gardena en décembre 2022 avant de réaliser le meilleur temps d'un des entraînements à... Kitzbühel en janvier 2023. Mais une blessure au dos l'oblige à faire une croix sur les Mondiaux à Courchevel.
- "Syndrome de l'imposteur" -
Pour réussir à se canaliser sur la piste, Sarrazin, plutôt calme et posé quand il n'a pas les skis aux pieds, déclarait mercredi avoir commencé à voir un psychologue au printemps dernier, "pour un travail sur moi-même, en tant qu'homme, pas du tout sur les skis, (...) ça doit faire trois mois que les coachs ne m'ont pas dit un truc technique." Il est aussi accompagné par un préparateur mental et une "coach énergétique".
Un déclic mental qui a fini par payer. Après deux quatrièmes places frustrantes à Val Gardena mi-décembre, il réalise deux semaines plus tard à Bormio la manche de sa vie pour s'offrir son premier succès en descente et libérer un clan tricolore qui n'avait pas gagné depuis huit ans dans la discipline.
"Avant Bormio, je me suis dit pendant trois jours que j'avais le droit de gagner, je ne m'étais jamais autorisé à gagner, j'avais une sorte de syndrome de l'imposteur", résumait-il avant de scotcher la planète ski sur la célèbre piste de la Streif.
Après avoir décroché son troisième succès en Coupe du monde lors du Super-G de Wengen (Suisse) le week-end dernier, Sarrazin a fait mieux que récidiver.
Le nouveau héros du ski français est lancé dans une inespérée quête du globe de cristal en descente au côté du génie suisse Marco Odermatt.
"Rien n'a changé à part mon statut", jugeait-il mercredi.
H.Alejo--ESF